Par John K. Silué (Cadre financier) – Titre et
revisité par : abidjan_pas_net
Le Ghana offre
au monde aujourd’hui l’image d’un pays démocratique respectueux des droits
humains
Depuis
le coup d’État du 11 avril 2011 qui a emporté le régime de Laurent Gbagbo les
relations naguère amicales entre le Ghana et la Côte d’Ivoire sont en passe de devenir
tumultueux. La raison apparente et immédiate de ce changement serait la
présence sur le sol ghanéen de personnalités proches du président ivoirien déchu.
Or cette présence des réfugiés ivoiriens, fuyant les exactions et la justice
des vainqueurs en Côte d’Ivoire, a un triple fondement. Elle s’explique d’abord
par le fait que le Ghana, à l’instar de la Côte d’Ivoire, est un pays hospitalier
dont le défunt Président, John Atta
Mills, entretenait de surcroit des relations très cordiales avec la Cote d’Ivoire de Laurent Gbagbo.
La
constitution de ce pays interdit le refoulement et l’extradition de réfugiés,
pour autant qu’ils ne sont pas réputés criminels avérés dans leurs pays
d’origine. Ensuite, après des années d’instabilité, rythmées par des coups
d’état, le Ghana offre au monde aujourd’hui l’image d’un pays démocratique
respectueux des droits humains. Enfin, on peut noter une relative solidité de
l’économie ghanéenne galvanisée par la découverte d’importants gisements de
pétrole et de gaz naturel. Le dynamisme de cette économie montre des signes
perceptibles notamment dans le développement des infrastructures de
communication. Pour toutes ces raisons, même si la langue constitue à priori
une certaine barrière, les Ivoiriens ont préféré comme terre d’exil ce pays à
d’autres destinations.
Le Ghana et les
relations de bon voisinage
L’on
se souvient qu’au plus fort de la crise post-électorale, des Etats membres de
la CEDEAO avaient préconisé une intervention militaire pour déloger le Président Gbagbo proclamé vainqueur de
l’élection présidentielle de 2010 par le
Conseil constitutionnelle. Le Ghana avait joint sa voix à celles d’autres Etats
dignes du continent noir pour réprouver une telle solution aux conséquences
catastrophiques prévisibles. Pour autant, fidèle à sa tradition de pays
respectueux des relations internationales, le Ghana a honoré le nouveau pouvoir
installé à Abidjan à coup de bombes en avril 2011. En effet, à l’occasion de la
pseudo investiture de monsieur Alassane Dramane Ouattara, le président ghanéen,
non seulement, a autorisé ses troupes à défiler à Yamoussoukro, mais il a
personnellement assisté à la cérémonie. Puis en août 2011, à l’occasion de la
célébration de la fête de l’indépendance, le contingent ghanéen de l’ONUCI a
encore défilé devant les autorités ivoiriennes. Autant d’actes dont l’élégance
le dispute à la sagesse pour indiquer que le Ghana tient à conserver des
relations de bon voisinage avec la Côte d’Ivoire en dépit du caractère
manifestement illégal du nouveau pouvoir d’Abidjan.
Alassane
Ouattara et le nouveau souffle de la Françafrique
Malheureusement,
une fois installé et auréolé du soutien de toute la planète, Alassana Ouattara
n’a pas le triomphe modeste. En mal de légitimité, il veut se poser en leader des
pays de la sous-région ouest africaine pour donner à la françafrique un nouveau
souffle. C’est pourquoi pour la première fois dans l’histoire de la Côte
d’Ivoire, un président Ivoirien va briguer le poste de président en exercice de
la CEDEAO. Une fois à la tête de l’institution communautaire sous régionale, le
président ivoirien ne tardera pas à se prendre pour le président des quinze
Etats de cette organisation. Faisant fi des règles de bienséance qui président
aux relations diplomatiques monsieur Ouattara tentent maladroitement d’en
imposer à ses pairs avec des décisions à l’emporte-pièce, notamment dans les
crises malienne et gambienne.
Avec
le Ghana voisin, le président a hâte de régler deux problèmes. Le premier
concerne l’extradition ad et nunc des réfugiés ivoiriens sur installés au
Ghana. Il en a besoin pour, d’une part être en conformité avec la constitution
ivoirienne qui interdit l’exil des citoyens ivoiriens et d’autre part, en finir
avec son adversaire politique Laurent Gbagbo en neutralisant tous ses
partisans. Le deuxième problème auquel le président ivoirien s’attaque est
relatif à la question de la délimitation de la frontière maritime entre les
deux pays. Pour cela les autorités ivoiriennes ne ménagent aucun effort alliant
diplomatie approximative à des actes de banditisme international dans l’espoir
d’amener le Ghana à aller au rythme de la Côte d’Ivoire sur ces dossiers
sensibles.
Sur
la question des exilés ivoiriens la bonne foi du Ghana n’a jamais été prise à
défaut, jusqu’à preuve du contraire. En effet, personne ne saurait
reprocher à un pays d’accueillir des
réfugiés qui fuient une guerre à relent ethnique et tribal après avoir tout
perdu dans leur pays d’origine. La Côte d’Ivoire avait par le passé accueilli
des milliers de Ghanéens sans que le Ghana ne s’en émeuve autre mesure. Même en
l’absence d’un droit international sur le statut de réfugiés, le Ghana ne peut
pas refouler des Ivoiriens en quête de sécurité et de paix. Au surplus, dans
l’espace CEDEAO, le principe demeure la libre circulation et le libre
établissement des citoyens de la communauté dans l’État de leur choix. Dans ces
circonstances, forcer le Ghana à renvoyer les Ivoiriens est une entreprise
suspecte vouée à l’échec.
Le peu d’empressement que les Etats africains
mettent à exécuter les nombreux mandats d’arrêt lancés contre les proches de
Gbagbo en exil est un signe de désapprobation de cette politique répressive
aveugle des autorités d’Abidjan. Plus d’un an après l’instauration de la
démocratie des bombes, la répression et la justice des vainqueurs continuent de
s’abattre sur les partisans de Laurent Gbagbo. Dans ces conditions, à moins
d’être complice de ces violations flagrantes des droits humains, aucun pays
sérieux ne peut extrader un exilé ivoirien vers la Côte d’Ivoire.
Le différend
frontalier
Le petrol |
Quant
à la question du différend frontalier, il est curieux de constater qu’à peine
installées, les autorités ivoiriennes en ont fait un sujet prioritaire comme
s’il y avait péril en la demeure. Faut-il rappeler que la frontière maritime
entre la Côte d’Ivoire et le Ghana n’a jamais été délimitée contrairement à la
frontière terrestre dont les bornes sont apparentes et ne font l’objet d’aucune
contestation. Par laxisme les autorités ivoiriennes depuis l’indépendance n’ont
pas daigné régler cette question jusqu’à ce que, sous le mandat du Président
Gbagbo, le Ghana fasse une importante découverte de pétrole à proximité de la
Côte d’Ivoire. La décision du gouvernement ivoirien de relancer le dossier de
la délimitation de la frontière maritime avec le Ghana avait paru suspecte aux
yeux du ministre ghanéen du pétrole au début de l’année 2010. Pour le Ghana, la
Côte d’Ivoire s’active à cause de la découverte du pétrole dans les eaux
territoriales voisines. Il a fallu tout le tact et toute la sagesse reconnus
aux deux chefs d’État d’alors pour faire tomber
la tension en son temps. Le Président Ivoirien avait même dépêché le
Ministre des Mines et de l’Energie auprès du Président ghanéen pour le rassurer
sur les intentions non belliqueuses de la Côte d’Ivoire à l’égard du Ghana.
Pour le Président Gbagbo, il n’y avait aucune fatalité pour les Etats africains
à se livrer une guerre du pétrole qui ne profite qu’aux compagnies pétrolières.
Et la guerre du pétrole n’eut pas lieu entre la Côte d’Ivoire et le Ghana par
la sagesse des deux dirigeants qui avaient une haute idée de la paix et de la
fraternité africaine.
Ouattara et sa
capacité de nuisance des intérêts africains pour maintenir le continent dans
son rôle de pourvoyeur de matières premières brutes
La
détermination des occidentaux à faire de monsieur Ouattara le Président de la
Côte d’Ivoire, contre vents et marées depuis 1994, trouve son explication dans
la capacité de nuisance des intérêts africains de l’ancien fonctionnaire du
FMI. La volonté des puissances occidentales de maintenir les pays d’Afrique
dans la pauvreté et la misère n’échappe à personne. Cela apparaît comme une
nécessité en raison de la position géostratégique d’un continent africain dont
le sous-sol regorge de matières premières
qui font cruellement défaut à certains pays développés. L’équation qui
se pose à ces nations développées est de savoir comment maintenir l’Afrique
dans son rôle de pourvoyeur de matières premières brutes. Peu importe si les
populations africaines doivent continuer à vivre dans des conditions
moyenâgeuses.
Dans ces conditions, des Etats africains stables, gouvernés sous
le modèle occidental et soucieux des intérêts nationaux constituent un danger.
Ils sont qualifiés de pays fermés parce qu’ils veulent être maîtres des
ressources naturelles de leur sous-sol. Ce statut de pays fermés est une
conditionnalité suffisante à l’éligibilité au club des pays à déstabiliser.
Pour échapper à ce club, très ouvert par ailleurs, les dirigeants des Etats
dont le sous-sol regorge de matières premières, énergétiques notamment, ont une
seule alternative. Ou ils servent les intérêts des puissances occidentales au
moyen de contrats aux clauses léonines, ou ils affichent leur volonté de servir
leurs peuples. Dans le premier cas ils sont assurés d’une longévité au pouvoir,
assortie d’un permis de violation des droits humains. Dans le second cas, ils
sont diabolisés, traités de dictateurs infréquentables avant de se faire
éjecter du pouvoir violemment.
C’est
à la lumière de cette réalité qu’il faut situer l’avènement de monsieur
Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire après près de vingt ans de coups de
force. Sa mission ne se limite pas à la seule Côte d’ivoire. Loin s’en faut !
A-t-il l’étoffe suffisante pour jouer efficacement ce rôle ? C’est là une autre
question. Par contre son acharnement sur le Ghana qu’il accuse, en des termes à
peine voilés, de servir de base arrière à des déstabilisateurs de son régime
suscite réflexions.
Le pouvoir
ivoirien qui multiplie les actes de provocation du voisin ghanéen
President Atta Mills et Ouattara |
En
réalité, le Ghana a le profil d’un pays à déstabiliser tel que décrit plus
haut. Que reste-t-il de viable en Afrique de l’Ouest après l’effondrement de la
Côte d’Ivoire, la désorganisation du géant nigérian et le plombage au sol de la
Guinée et du Sénégal. Le pays de Kwame NKRUMAH, panafricaniste né, après avoir
expérimenté la déstabilisation pendant de longues années, semble avoir compris
le subtil jeu des intérêts géopolitiques internationaux. C’est pourquoi,
prenant appui sur ses ressorts culturels, il a su instaurer un système de
gouvernance qui lui permet aujourd’hui de s’attaquer aux fondements du sous-développement.
Le pays semble avoir mieux négocié ses contrats pétroliers pour en tirer le
meilleur parti pour les générations actuelles et celles à venir. Il
n’entretient pas de relations tutélaires étouffantes avec l’ancienne puissance
coloniale. Le Ghana a une politique monétaire dynamique qui sert de levier à
son économie. Autant d’atouts pour ce pays qui ne tardera pas à s’imposer comme
modèle de développement en Afrique de l’ouest.
C’est
pour casse cette dynamique que certains réseaux s’agitent en utilisant le
pouvoir ivoirien qui multiplie les actes de provocation du voisin ghanéen. La
Côte d’Ivoire a-t-elle intérêt à ouvrir un autre front à l’est après celui de
l’ouest ? La réponse est assurément négative! Sauf que pendant que les pays
seront occupés à se guerroyer, les exploitants pétroliers, gaziers et miniers
continueront leur ouvrage, loin des velléités d’exigence du juste prix. Nous
perpétuerons ainsi notre vocation de pays potentiellement riches mais
éternellement pauvres. Ouattara serait-il en mission pour cela ?
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