par D'Elias Koré in SAOTI
« Libérez Gbagbo ! » « On veut Gbagbo ! » « Pas de négociations sans Gbagbo! » « C’est Gbagbo le président ! » « Yao N’Dré est un traitre ! »
Que d’injonctions péremptoires et d’accusations virulentes sont entendues et lues ci et là depuis la capture de Laurent Gbagbo par l’armée française, sa remise aux troupes de Ouattara et sa séquestration illégale à Korhogo. Et l’arrêt rendu hier par le Conseil Constitutionnel, qui proclame Alassane Dramane Ouattara Président de la République de Côte d’Ivoire, n’est pas venu calmer l’intense vague de révolte qui anime les partisans de Laurent Gbagbo, qu’ils soient Ivoiriens ou pas, loin de là !
Mais si l’émotion suscitée par les événements auxquels la Côte d’Ivoire est confrontée depuis plusieurs mois est compréhensible, il faut cependant savoir, à un moment donné, raison garder.
Ceux qui s’époumonent en récriminations et incantations, niant une situation certes douloureuse, mais bel et bien réelle, servent-ils vraiment la cause qu’ils défendent ? Laurent Gbagbo n’a plus l’effectivité du pouvoir en Côte d’Ivoire depuis le 11 avril 2011. Il ne reviendra pas au pouvoir, ni dans les jours, ni dans les semaines, ni dans les mois à venir. Refuser d’accepter cette réalité n’est pas faire preuve de loyauté envers le prisonnier de Korhogo, mais contribue plutôt à compliquer ses conditions de détention et ses perspectives de libération.
Une stratégie ne peut être viable et avoir du succès que si elle prend en compte sans concession tous les paramètres contextuels : les forces, les faiblesses, les opportunités et les dangers. Il est donc vital que les partisans d’une Côte d’Ivoire digne et debout reformatent au plus vite leur logiciel de fonctionnement en tenant compte de quelques réalités, dont notamment celle-ci : Laurent Gbagbo, bien que vainqueur du scrutin de novembre 2010, n’est plus le président de la Côte d’Ivoire. Pour arriver à ce résultat, la France, aidée par la quasi totalité de la communauté internationale, a fait la guerre à la Côte d’Ivoire. La bataille militaire a été perdue par l’Etat ivoirien. Des défaites ont aussi été enregistrées sur le plan médiatique, diplomatique, stratégique, politique.
L’arrêt rendu par le Conseil constitutionnel hier, comme la déclaration du FPI signée par son vice-président Mamadou Koulibaly ou l’appel à déposer les armes lancé par Eugene Djué aux résistants pro Gbagbo sont très loin d’être des preuves de traîtrise. Par ailleurs, c’est n’est pas la première fois que deux individus prêtent serment pour l’exercice de la magistrature suprême devant une cour constitutionnelle en l’espace d’un court laps de temps. Un précédent existe tout près, en Côte d’Ivoire même : en 2000, le général Guéi, proclamé vainqueur, a prêté serment devant la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, présidée par Tia Koné. Quelques heures plus tard, c’est devant la même institution et le même Tia Koné que Laurent Gbagbo prêtait lui aussi serment, après que sa victoire dans les urnes lui ait été rendue par la rue.
A candidature exceptionnelle, présidence exceptionnelle
En quoi la proclamation et la reconnaissance de la présidence factuelle de Ouattara sont-elles donc soudain si méprisables ? Est-ce pire que d’avoir signé les accords de Kleber/Marcoussis qui ont fait entrer les rebelles au gouvernement ? Est-ce plus grave que d’avoir accepté la candidature exceptionnelle de Ouattara, alors que l’inéligibilité de ce dernier avait été constatée et motivée par un arrêt légendaire de la Cour suprême en 2000 et que les décisions de la Cour suprême sont réputées irrévocables ? Est-ce plus inacceptable que de n’avoir pas exigé le départ de l’armée française et ni poursuivi l’Etat français devant les juridictions internationales suite aux événements sanglants de novembre 2004, dans un contexte favorable comme jamais, où l’Hexagone avait perdu les batailles diplomatique et médiatique ? Est-ce plus répulsif que d’avoir imposé un assassin comme Guillaume Soro comme Premier ministre, lui donnant non seulement un pouvoir auquel lui-même n’aspirait plus depuis la mise en déroute de ses troupes par l’opération Dignité conduite, faut-il le rappeler, par le Général Philippe Mangou, aujourd’hui soupçonné des pires turpitudes par certains pro Gbagbo, mais le présentant en plus comme le «meilleur premier ministre » que la Côte d’Ivoire ait eu depuis l’accession de Gbagbo au pouvoir ? Est-ce plus odieux que d’avoir accepté d’aller aux élections sans désarmement préalable des rebelles, en violation flagrante des dispositions de l’Accord politique de Ouagadougou, pourtant déjà difficile à accepter en l’état, ce qui a permis aux rebelles de se rendre coupables de toutes les exactions possibles et imaginables afin d’aboutir aux fraudes massives enregistrées dans les zones sous leur contrôle lors du scrutin présidentiel de novembre 2010 ? Et pourtant, qui peut nier les idéaux nationalistes à la base du combat de Laurent Gbagbo lorsqu’il se lança en politique il y a maintenant 40 ans ?
Au regard de ce qui précède, la proclamation d’hier ou la prestation de serment de ce jour ne relèvent pas plus d’Ubu que l’ensemble de la situation dans laquelle la Côte d’Ivoire est maintenue depuis 9 ans. Les actes récemment posés par les personnalités au patriotisme au-dessus de tout soupçon que sont, entre autres, les membres et le président du Conseil constitutionnel, le président de l’Assemblée nationale, le secrétaire général du Front populaire ivoirien sont donc loin d’être constitutifs de trahison ou d’allégeance. Ils procèdent d’une analyse pragmatique de la situation, de la nécessité d’accepter de payer le prix des erreurs colossales et des choix désastreux faits ces dernières années, de l’obligation de se réorganiser autrement et de la volonté d’apaisement nécessaire à la réinstauration d’un Etat de Droit pour faire place au chaos, à la barbarie et à la terreur qui sont devenus le quotidien des Ivoiriens depuis le putsch militaire franco-onusien qui a imposé au forceps Ouattara à la tête de l’Etat.
Les représentants du FPI à l’étranger qui ne représentent qu’eux-mêmes tant qu’ils font fi de la discipline du parti ou les conseillers autoproclamés ou non de l’ex-président de la république seraient donc bien inspirés de se taire ou d’avoir des prises de paroles plus utiles. Ce n’est pas ceux qui crient le plus fort qui en font le plus pour la libération de Laurent Gbagbo et de toutes les personnes détenues de façon illégale et dans des conditions souvent inhumaines à travers le pays. Que dire du commandant de la garde républicaine, de l’aide de camp du président, de ses gardes du corps qui sont entassés à 23 dans une cellule de 9 mètres carrés sans fenêtre et sans toilettes au camp militaire de Korhogo, par des températures suffocantes ? Sont-ils seulement encore en vie ou ont-ils déjà succombé au cholera ou à la typhoïde, compte tenu de leurs conditions de détention ? Ne méritent-ils pas eux aussi d’être au centre de l’attention de ceux qui se démènent pour le retour de la sécurité et de la normalité dans la vie des Ivoiriens ou ce privilège est-il uniquement dévolu à Gbagbo?
Continuer la lutte sous une autre forme
Laurent Gbagbo n’est plus le président en exercice des Ivoiriens. Cependant, malgré le fait qu’il ne soit plus au pouvoir, il n’en demeure pas moins un des personnages clé de l’avenir de la Côte d’Ivoire. Le processus de réconciliation ne saurait aboutir sans son rétablissement rapide dans les droits et prérogatives les plus élémentaires qui lui sont dévolus. Ouattara et toutes les parties prenantes à la crise ivoirienne en sont n« Libérez Gbagbo ! » « On veut Gbagbo ! » « Pas de négociations sans Gbagbo! » « C’est Gbagbo le président ! » « Yao N’Dré est un traitre ! »
Que d’injonctions péremptoires et d’accusations virulentes sont entendues et lues ci et là depuis la capture de Laurent Gbagbo par l’armée française, sa remise aux troupes de Ouattara et sa séquestration illégale à Korhogo. Et l’arrêt rendu hier par le Conseil Constitutionnel, qui proclame Alassane Dramane Ouattara Président de la République de Côte d’Ivoire, n’est pas venu calmer l’intense vague de révolte qui anime les partisans de Laurent Gbagbo, qu’ils soient Ivoiriens ou pas, loin de là !
Mais si l’émotion suscitée par les événements auxquels la Côte d’Ivoire est confrontée depuis plusieurs mois est compréhensible, il faut cependant savoir, à un moment donné, raison garder.
Ceux qui s’époumonent en récriminations et incantations, niant une situation certes douloureuse, mais bel et bien réelle, servent-ils vraiment la cause qu’ils défendent ? Laurent Gbagbo n’a plus l’effectivité du pouvoir en Côte d’Ivoire depuis le 11 avril 2011. Il ne reviendra pas au pouvoir, ni dans les jours, ni dans les semaines, ni dans les mois à venir. Refuser d’accepter cette réalité n’est pas faire preuve de loyauté envers le prisonnier de Korhogo, mais contribue plutôt à compliquer ses conditions de détention et ses perspectives de libération.
Une stratégie ne peut être viable et avoir du succès que si elle prend en compte sans concession tous les paramètres contextuels : les forces, les faiblesses, les opportunités et les dangers. Il est donc vital que les partisans d’une Côte d’Ivoire digne et debout reformatent au plus vite leur logiciel de fonctionnement en tenant compte de quelques réalités, dont notamment celle-ci : Laurent Gbagbo, bien que vainqueur du scrutin de novembre 2010, n’est plus le président de la Côte d’Ivoire. Pour arriver à ce résultat, la France, aidée par la quasi totalité de la communauté internationale, a fait la guerre à la Côte d’Ivoire. La bataille militaire a été perdue par l’Etat ivoirien. Des défaites ont aussi été enregistrées sur le plan médiatique, diplomatique, stratégique, politique.
L’arrêt rendu par le Conseil constitutionnel hier, comme la déclaration du FPI signée par son vice-président Mamadou Koulibaly ou l’appel à déposer les armes lancé par Eugene Djué aux résistants pro Gbagbo sont très loin d’être des preuves de traîtrise. Par ailleurs, c’est n’est pas la première fois que deux individus prêtent serment pour l’exercice de la magistrature suprême devant une cour constitutionnelle en l’espace d’un court laps de temps. Un précédent existe tout près, en Côte d’Ivoire même : en 2000, le général Guéi, proclamé vainqueur, a prêté serment devant la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, présidée par Tia Koné. Quelques heures plus tard, c’est devant la même institution et le même Tia Koné que Laurent Gbagbo prêtait lui aussi serment, après que sa victoire dans les urnes lui ait été rendue par la rue.
A candidature exceptionnelle, présidence exceptionnelle
En quoi la proclamation et la reconnaissance de la présidence factuelle de Ouattara sont-elles donc soudain si méprisables ? Est-ce pire que d’avoir signé les accords de Kleber/Marcoussis qui ont fait entrer les rebelles au gouvernement ? Est-ce plus grave que d’avoir accepté la candidature exceptionnelle de Ouattara, alors que l’inéligibilité de ce dernier avait été constatée et motivée par un arrêt légendaire de la Cour suprême en 2000 et que les décisions de la Cour suprême sont réputées irrévocables ? Est-ce plus inacceptable que de n’avoir pas exigé le départ de l’armée française et ni poursuivi l’Etat français devant les juridictions internationales suite aux événements sanglants de novembre 2004, dans un contexte favorable comme jamais, où l’Hexagone avait perdu les batailles diplomatique et médiatique ? Est-ce plus répulsif que d’avoir imposé un assassin comme Guillaume Soro comme Premier ministre, lui donnant non seulement un pouvoir auquel lui-même n’aspirait plus depuis la mise en déroute de ses troupes par l’opération Dignité conduite, faut-il le rappeler, par le Général Philippe Mangou, aujourd’hui soupçonné des pires turpitudes par certains pro Gbagbo, mais le présentant en plus comme le «meilleur premier ministre » que la Côte d’Ivoire ait eu depuis l’accession de Gbagbo au pouvoir ? Est-ce plus odieux que d’avoir accepté d’aller aux élections sans désarmement préalable des rebelles, en violation flagrante des dispositions de l’Accord politique de Ouagadougou, pourtant déjà difficile à accepter en l’état, ce qui a permis aux rebelles de se rendre coupables de toutes les exactions possibles et imaginables afin d’aboutir aux fraudes massives enregistrées dans les zones sous leur contrôle lors du scrutin présidentiel de novembre 2010 ? Et pourtant, qui peut nier les idéaux nationalistes à la base du combat de Laurent Gbagbo lorsqu’il se lança en politique il y a maintenant 40 ans ?
Au regard de ce qui précède, la proclamation d’hier ou la prestation de serment de ce jour ne relèvent pas plus d’Ubu que l’ensemble de la situation dans laquelle la Côte d’Ivoire est maintenue depuis 9 ans. Les actes récemment posés par les personnalités au patriotisme au-dessus de tout soupçon que sont, entre autres, les membres et le président du Conseil constitutionnel, le président de l’Assemblée nationale, le secrétaire général du Front populaire ivoirien sont donc loin d’être constitutifs de trahison ou d’allégeance. Ils procèdent d’une analyse pragmatique de la situation, de la nécessité d’accepter de payer le prix des erreurs colossales et des choix désastreux faits ces dernières années, de l’obligation de se réorganiser autrement et de la volonté d’apaisement nécessaire à la réinstauration d’un Etat de Droit pour faire place au chaos, à la barbarie et à la terreur qui sont devenus le quotidien des Ivoiriens depuis le putsch militaire franco-onusien qui a imposé au forceps Ouattara à la tête de l’Etat.
Les représentants du FPI à l’étranger qui ne représentent qu’eux-mêmes tant qu’ils font fi de la discipline du parti ou les conseillers autoproclamés ou non de l’ex-président de la république seraient donc bien inspirés de se taire ou d’avoir des prises de paroles plus utiles. Ce n’est pas ceux qui crient le plus fort qui en font le plus pour la libération de Laurent Gbagbo et de toutes les personnes détenues de façon illégale et dans des conditions souvent inhumaines à travers le pays. Que dire du commandant de la garde républicaine, de l’aide de camp du président, de ses gardes du corps qui sont entassés à 23 dans une cellule de 9 mètres carrés sans fenêtre et sans toilettes au camp militaire de Korhogo, par des températures suffocantes ? Sont-ils seulement encore en vie ou ont-ils déjà succombé au cholera ou à la typhoïde, compte tenu de leurs conditions de détention ? Ne méritent-ils pas eux aussi d’être au centre de l’attention de ceux qui se démènent pour le retour de la sécurité et de la normalité dans la vie des Ivoiriens ou ce privilège est-il uniquement dévolu à Gbagbo?
Continuer la lutte sous une autre forme
Laurent Gbagbo n’est plus le président en exercice des Ivoiriens. Cependant, malgré le fait qu’il ne soit plus au pouvoir, il n’en demeure pas moins un des personnages clé de l’avenir de la Côte d’Ivoire. Le processus de réconciliation ne saurait aboutir sans son rétablissement rapide dans les droits et prérogatives les plus élémentaires qui lui sont dévolus. Ouattara et toutes les parties prenantes à la crise ivoirienne en sont naturellement bien conscients. En tant qu’ancien président, Gbagbo a le droit de vivre paisiblement et en toute sécurité en Côte d’Ivoire et de jouir de tous les avantages liés à son statut, toutes choses dont ses bourreaux d’aujourd’hui (Ouattara et Bédié) ont par ailleurs largement bénéficiés grâce au grand sens démocratique pratiqué par l’homme de Mama lorsqu’il était aux commandes du pays.
Il sera intéressant de voir si les «vaincus du 11 avril» sauront surmonter leurs incompréhensions, désabusement, tentations de positionnement personnel et inutiles guerres de leadership, et faire preuve de suffisamment de maturité pour se rassembler en rangs serrés derrière ceux qui ont eu le courage de prendre des décisions parfois difficiles et impopulaires pour mieux préserver l’intérêt général de tous les Ivoiriens et les quelques acquis d’un long et fastidieux combat d’émancipation. De la rapidité avec laquelle ils intégreront cela, ainsi que de leur capacité à focaliser leur passion sur leur seul et vrai adversaire : la France et son pion local Alassane Dramane Ouattara, dépend l’avenir de la lutte nationaliste de libération et la mise en échec de la recolonisation de l’Afrique entreprise avec violence par l’Occident.
aturellement bien conscients. En tant qu’ancien président, Gbagbo a le droit de vivre paisiblement et en toute sécurité en Côte d’Ivoire et de jouir de tous les avantages liés à son statut, toutes choses dont ses bourreaux d’aujourd’hui (Ouattara et Bédié) ont par ailleurs largement bénéficiés grâce au grand sens démocratique pratiqué par l’homme de Mama lorsqu’il était aux commandes du pays.
Il sera intéressant de voir si les «vaincus du 11 avril» sauront surmonter leurs incompréhensions, désabusement, tentations de positionnement personnel et inutiles guerres de leadership, et faire preuve de suffisamment de maturité pour se rassembler en rangs serrés derrière ceux qui ont eu le courage de prendre des décisions parfois difficiles et impopulaires pour mieux préserver l’intérêt général de tous les Ivoiriens et les quelques acquis d’un long et fastidieux combat d’émancipation. De la rapidité avec laquelle ils intégreront cela, ainsi que de leur capacité à focaliser leur passion sur leur seul et vrai adversaire : la France et son pion local Alassane Dramane Ouattara, dépend l’avenir de la lutte nationaliste de libération et la mise en échec de la recolonisation de l’Afrique entreprise avec violence par l’Occident.
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