Par DJANWE Honorat
«Il n’y a pas de victoire qui soit définitive» disait Akoun Laurent lors de la première Assemblée Générale post-guerre de la Jeunesse du Front Populaire Ivoirien. En réponse le nouveau prince éburnéen et sa cour diraient: «on s’en fout. La France est la ».
De plusieurs tentatives de coups d’état –depuis 2000 dont la dernière s’est muée en rébellion– à la guerre sauvage livrée, avec en première ligne la France Sarkozienne, en passant par une tentative honteuse de déplanification institutionnelle –les accords de Marcoussis – et un refus de se soumettre à la vérité des urnes – approuvé et soutenu par l’ONU–, la quête du «graal» fut longue. L’investiture du fief ivoirien par le Seigneur –Sarkozy 1er –, le 11 Avril a donc valeur de «sésame» pour l’accès aux «plaisirs» qu’offre le paradis ivoirien. Et dans la foulée, les sillons du programme de gouvernement –le vrai–seront tracés. Ce programme se décline en plusieurs aspects dont les plus importants eu égard à l’empressement et à la débauche d’énergie avec laquelle ils sont exécutés sont:
LA JUSTICE DES VAINQUEURS
Elle a été lancée par le prince «himself», le 11 Avril, quelques minutes à peine après l’arrestation du Président Gbagbo Laurent par les barbouzes français. Enjambant le corps encore chaud de milliers d’ivoiriens – pour qui, il dit se battre–, ces premières phrases seront et je cite: «Gbagbo Laurent sera traduit devant la Cour pénale Internationale pour crime contre l’humanité». Aucune compassion, pas même un simple mot à l’endroit de millions d’ivoiriens terrifiés par une barbarie inédite qui a cours sous leurs yeux. Un ami RHDP me disait à ce sujet: «Mais, qui a écrit ce discours pour lui? Il aurait quand même pu réserver ces phrases pour plus tard, ne serait-ce que par décence. On a voulu faire l’expérience de la mort et nous voila en plein là dedans.»
Dans la Côte d’ivoire des vainqueurs, il faut faire vite; «Djonandjonanko», dirait-on au black market d’Adjamé. Ne sait-on jamais, semble dire leur subconscient.
Le chef d’orchestre ayant donné le tempo, tous les musiciens vont se mettre au diapason et les «funestes accords» seront joués avec, méthode, application, volupté. L’opéra funeste est ainsi présenté au monde entier. Les notes sont jouées avec une «diabolique» précision. Les accords sont parfaits.
Après dix années passées à répéter, le spectacle, fin prêt, est présenté avec perfection. N’a-t-on pas fait appel pour l’occasion, aux compétentes d’artistes professionnels de dimension planétaire –ONU, CEDEAO, UA, UE–, des virtuoses des «symphonies macabres». Tout le gratin de la «domination internationale» a participé à la réalisation de l’opéra macabre. Certains –Choi– se sont même arrogé le titre de maître de cœur de l’orchestre.
La «lettre de cachet» remise des mains du suzerain –Sarkozy1er–, l’inquisition va se pratiquer avec un talent tel, qu’on pourrait suggérer aux maisons d’éditions de faire figurer l’inquisiteur en chef comme co-auteur de «Le Prince» de Machiavel. Le florentin a théorisé, les vainqueurs de la guerre l’ont appliqué dans toute sa laideur. «La conquête une fois faite et le monarque vaincu …, on n’a plus à craindre que sa race, qui, une fois éteinte, ne laisse plus personne à redouter, parce qu’il n’y a plus personne qui conserve quelque ascendant sur le peuple». (Machiavel : Le prince)» L’inquisition tourne ainsi à plein régime.
Le prince conceptualise le projet. Sa cour coordonne, harmonise l’action. La milice tribale exécute. Les idéologues justifient l’horreur. Les alliés politiques internes soutiennent. Les inspirateurs approuvent, et les organisations dites de «défense des droits de l’homme» lâchent la proie pour l’ombre. «Gbagbo doit répondre de ses crimes»; «J`ai expliqué au président de la CPI l`importance pour la réconciliation nationale de cette procédure. Si l`ex-président n`était plus sous notre responsabilité, sur le territoire de la République, cela faciliterait le processus de réconciliation et contribuerait à dépassionner la suite du débat, notamment les élections législatives», «La présence de Laurent Gbagbo (en Côte d`Ivoire) freine le développement du processus de réconciliation», dit la cour. Le Prince éburnéen a décidé de participer en personne à la traque .En témoigne son récent déplacement au Ghana voisin où il « a demandé au Ghana d`envisager la mise en œuvre du mandat (prévoyant) le gel des comptes et l`application des mandats d`arrêt émis contre des personnes présumées coupables d`actes criminels commis durant la crise postélectorale ivoirienne».
Exactions, tueries, arrestations, tortures, déportations, emprisonnements, pillages, destructions de bien publics et privés, mandats d’arrêt, gels des avoirs: la justice des vainqueurs illumine le ciel ivoirien.
LA RECOMPENSE DES VAINQUEURS
Il faut bien récompenser «les sauveurs de la démocratie» – c’est leur nom-, ceux la même qui ont permis «le retour à la démocratie» selon Juan Gomes de RFI.
Ainsi les villes et les communes sont divisées en «satrapies» gérées par les légats du prince. Chaque rue de Côte d’ivoire a son «commandant». Comme des plaques tectoniques dont les mouvements sont impossibles à coordonner, il arrive parfois qu’il y ait des chocs entre eux à la suite d’intervention hors de leurs pré-carrés. Les pauvres ivoiriens font alors les frais des secousses sismiques qui en résultent.
Les ressources sont partagées entre les alliés. «Yalta» est cuisiné à la sauce ivoirienne. Après le cérémonial de l’hommage féodal et de l’investiture du fief ivoirien par le seigneur, le partage du gâteau ivoirien peut débuter. Le minerai pour un tel, l’export des cultures de rente pour les enfants «chéris», Le monopole de l’importation des denrées alimentaires de première nécessité pour le fils de «l’ennemi adoré», la porte d’entrée sud pour l’allié du nord…
On immortalise l’allié –pour quelque temps encore– en donnant son nom au pont à péage en construction. Peut-être qu’on lui versera aussi des commissions sur le payement du droit de passage. On en fera sûrement de même pour les autres –surtout ne pas faire de jaloux–, étant donné que ce ne sont pas les chantiers qui manquent. Leur architecte en chef n’a-t-il pas dit que «la Côte d’ivoire des bâtisseurs était de retour».
En comparaison sûrement à Gbagbo Laurent qui ne nous a offert que des «cases» –palais présidentiel, maison des députés– et des pistes – prolongement de l’autoroute du nord– impraticables. Ainsi on aura probablement une route –l’autoroute du nord est en phase d’achèvement– qui portera le nom d’un allié. Le futur pont de Jacqueville pourra porter le nom d’un autre. L’université de Cocody, qui selon eux, est en cours de restauration devrait être scindé en quatre ou cinq universités –demain on nous chantera qu’on a fait sortir cinq de terre–qui pourraient porter les noms de nos fameux «commandants». Les chantiers sont immenses. On pourra donc immortaliser tous ceux qui le souhaitent. Avec un peu d’effort, ils pourront même immortaliser leurs domestiques pourquoi pas.
La grande «muette» est méticuleusement purgée. La restructuration de l’armée tribale ( ?) de Gbagbo passe par l’intégration en masse de soldats issus tous d’un même espace ethnoculturel. La nouvelle armée est née. Une armée au sein de laquelle, tout le monde a le grade de «commandant». N’est ce pas formidable?
Et ce n’est pas tout. Cette armée regorge de seigneurs de guerre – devenus officiers – adoubés par le prince et qu’on pourrait inscrire dans le «Guinness» des records d’ascension aux grades supérieurs. Leurs idéologues nous diront sûrement que ça se justifie, vu que ce sont des soldats d’exception, des surdoués, des «universal soldier».
Pour les autres supplétifs non intégrés: «no problem»
On pourra leur concéder le «pay yoursef». Quelqu’un n’a-t-il pas dit qu’on «ne peut pas poursuivre ses sauveurs»?
Dans les directions de l’administration publique et des sociétés d’Etat, c’est: Diakité, Soro, Coulibaly, Camara, Konaté, Cissé; quelque fois Koffi, Konan, Kouassi; rarement Sery, N’Cho, Oulaye.
Les vainqueurs ont pignon sur rue.
Le sport, la culture, les arts…, aucun compartiment de la société n’échappe à la mainmise des vainqueurs.
En somme, le partage parfait.
LA PRESSE DES VAINQUEURS
La presse de l’opposition qui se réveille difficilement de la destruction de son outil de travail est au mieux harcelée quotidiennement sinon, embastillée. Le message à son endroit est clair: Tu la fermes ou on te ferme/t’enferme. La sortie du Conseil National de la Presse – la «guillotine» de la presse d’opposition– du 21 Septembre témoigne de la mise au pas de la presse. Voici ce que le journaliste Augustin Kuyo écrit à ce sujet: «Il ne faut plus dire dans ce pays que Gbagbo a été victime, le 11 avril 2011, d’un coup d’Etat. Il ne faut plus écrire que Ouattara est arrivé au pouvoir dans la besace de l’armée française et des soldats de l’ONU. Parce que pour le président du CNP qui agit certainement sous le couvert d’un autre pouvoir, il n’y a eu ni coup d’Etat, ni intervention des armées étrangères dans l’accession de son champion au pouvoir.»
Les seuls écrits tolérés doivent être la célébration du prince et de sa cour. Une presse «scribe» au service d’un «pharaon» en quête de légitimité, voila à quoi devrait ressembler la presse sous le régime des «vainqueurs».
LA RECONCILIATION DES VAINQUEURS
Que dire de plus sur cette réconciliation qui n’est déjà été dit. Le train de la réconciliation nous dit-on a démarré officiellement le 28 Septembre pour la destination «Paix». Il passera par les escales «dialogue» et «vérité». Ce qui est tout de même frappant, c’est que ce même train qui a déraillé il y a quelques années, est remis sur les rails avec une nouvelle carrosserie. C’est pourquoi, au premier sifflement de celui-ci, les passagers qui doutaient déjà de la qualité de l’engin, ont été confortés dans leurs hésitations à y prendre place. «Djaah c’est habillage», comme on dit dans les rues à Abidjan.
L’équation de la réconciliation nationale, déjà très difficile à résoudre au vu des multiples paramètres, risque de devenir quasi insoluble par la volonté des architectes.
De toutes les façons, ce n’est pas important, vu que les vainqueurs s’étaient déjà réconciliés il y quelques années sur les bords de la Seine. La nuit de noce avait même donné naissance au Rassemblement de Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). A la vérité, toute la communication autour de cette entreprise n’a qu’un unique but: Montrer aux cercles financiers que la Côte d’ivoire est apaisée, pour espérer récolter quelques dividendes financiers, vu que «la pluie de milliards» prophétisée par les oracles se fait attendre. Aléas météorologiques ou incapacité?
Pauvre Didier Drogba! Sait-il seulement qu’il n’est qu’un instrument au service de cette entreprise de communication?
Quelques personnalités du monde qui ont flairé le coup essaient de recadrer les choses: «La réussite de tout processus de réconciliation passe par l’intégration de tous les acteurs concernés (…) Si la perception d’une ”justice des vainqueurs” prévaut, c’est l’ensemble du processus de réconciliation qui est menacé», disait Desmond Tutu au Prince en marge du lancement du train.
C’est pourquoi, contrarié, il s’est résolu à rencontrer le FPI/CNRD il y quelque jours. «La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la principale de l’angle» (1 Pierre 2 Vs7). Malheureusement pour lui, la «fumée blanche» qu’il espérait secrètement afin de le capitaliser en espèce sonnantes et trébuchantes auprès de ses «amis» financiers -l’argent n’a pas d’amis- n’est pas sortie du palais. «Désolé ! On ne sert pas de bouche-trou», lui a répondu le FPI/CNRD.
Pour l’aider à sortir du drame intérieur qu’il vit en ce moment, rappelons-lui tout simplement que Confiscius à dit: «Exige beaucoup de toi, et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d’ennuis te seront épargnés». Pour sa mise en pratique, nous lui recommanderons un expert: Gbagbo Laurent. Il sait où le trouver.
«Justice des vainqueurs», «récompense des vainqueurs», «presse des vainqueurs», «réconciliation des vainqueurs» etc; voila à quoi ressemble la «COTE D’IVOIRE DES VAINQUEURS».
Un proverbe iranien à méditer: «la nuit est enceinte, on ne sait pas ce qu’elle accouchera à l’aube»
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