Par
Anicet Djéhoury (Cet article à 2 ans il a été
écrit le 01 juillet 2011)
Arrivé
au pouvoir dans des conditions désastreuses, le nouveau chef d’Etat ivoirien,
Alassane Ouattara promet à ses compatriotes la mise en place d’un processus de
réconciliation nationale calqué sur le modèle sud-africain. Et pour de nombreux
Ivoiriens, le rêve de voir, enfin réalisé, le pays et ses leaders s’inspirer de
la réussite de la nation arc-en-ciel.
Dix-sept
ans auparavant en effet, parvenu au pouvoir après un quart de siècle passé dans
les geôles de l’apartheid, Nelson
Mandela décide « de combler le fossé qui sépare les Sud-africains ». Sa
première décision est d’amnistier les différentes catégories de ses
compatriotes qui accomplissent des peines d’emprisonnement.
Il
désigne plus tard un homme de dieu, l’archevêque du Cap et prix Nobel de la
paix, Mgr Desmond Tutu pour diriger
la commission vérité et réconciliation qui fera date en Afrique. Dans l’esprit
de Mandela, il s’agit de confronter le passé afin de tourner la page historique
et douloureuse du pays. D’exposer la vérité, de permettre aux coupables, de
tous bords, de se confesser en échange d’une amnistie pleine et entière. Les
poursuites judiciaires n’étant maintenues qu’en l’absence de confession ou de
refus de comparution.
Les
Sud-africains ont fait un constat simple et juste. Sans pardon, il n’y a pas
d’avenir. Et sans confession, il ne peut y avoir de pardon.
En Côte d’Ivoire,
les discours tardent malheureusement à trouver leur prolongement dans des actes
concrets.
Et
si des milliers de prisonniers ont été libérés, ce n’est pas par la grâce d’une
loi d’amnistie, mais pour guerroyer aux côtés de « libérateurs » pas si
désintéressés. Désormais revêtus de l’uniforme de l’armée dite républicaine,
les ex-détenus pillent tout sur leur passage et sèment la désolation dans les
rues de la capitale économique.
Pendant
ce temps, vidée des criminels et autres braqueurs, la maison d’arrêt civile
d’Abidjan s’apprête à recevoir ses nouveaux pensionnaires ; des professeurs
d’université, des économistes, des intellectuels et des journalistes. Leur seul
tort, avoir participé ou soutenu le dernier gouvernement Gbagbo.
Pas
d’amnistie donc, Nelson Mandela
n’est pas Ivoirien. Le président Laurent
Gbagbo, son épouse, son fils sont faits prisonniers et déportés en
territoire hostile. Une centaine de ses partisans, parmi lesquels Pascal Affi N’guessan, président du
Fpi, le premier parti ivoirien, 38,3% lors du 1er tour des présidentielles,
sont détenus dans le nord du pays sans aucun mandat judiciaire.
Pas
de prix Nobel de la paix non plus, Desmond
Tutu n’est pas Ivoirien. Alors pour présider la commission vérité et
réconciliation version ivoirienne, le choix se porte sur Charles Konan Banny.
Ses qualités et sa compétence ne sont nullement en cause. Cependant, membre du
Rhdp, la coalition qui soutient l’actuel chef de l’Etat, l’ancrage politique de
l’ancien gouverneur de la banque centrale ouest africaine est une preuve
supplémentaire d’un processus de réconciliation nationale biaisé dès le départ.
Pas
de véritable réconciliation nationale enfin. Pretoria n’est pas Duékoué. La
crise ivoirienne, ce sont des millions de déplacés, des dizaines de milliers de
morts, de nombreux crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Mais
apparemment, si l’on croit le nouveau ministre de la Justice, un seul camp
responsable, celui de Laurent Gbagbo.
A
Duékoué pourtant, Amnesty International raconte que les forces fidèles à
Alassane Ouattara ont ordonné « aux hommes et aux jeunes de s’aligner et leur
ont demandé de décliner leurs prénoms et noms et de présenter leurs cartes
d’identité… » La suite, on la connaît. Ils ont été massacrés. Plusieurs
centaines de morts, coupables d’appartenir à l’ethnie guéré. Une ethnie réputée
favorable à Laurent Gbagbo.
Aucun
responsable de ce massacre n’est à ce jour arrêté. Dans cette ville située à
plus de 500 kms d’Abidjan, ce sont les victimes qui baissent la tête
lorsqu’elles croisent le regard de leurs bourreaux. Pensent-elles
réconciliation nationale ou désir de vengeance?
Nelson
Mandela n’est pas Ivoirien, c’est une évidence. Ce n’est pas une raison pour la
Côte d’Ivoire de laisser s’échapper, jour après jour, l’espoir d’une véritable
réconciliation nationale.
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