Friday 17 August 2012

Ouattara et l’enjeu de centaines de milliers d’hectares de terre arable ivoiriennes convoitée des multinationales à qui il doit tous


Par Philippe Brou
Titre: abidjan_pas_net –  texte Revisité par : abidjan_pas_net

« L’enlisement de la crise ivoirienne, dans un contexte de fracture sociopolitique abyssale, a fermé les yeux de la majorité de la population aux vrais enjeux qui se précisent dans ce pays phare d’Afrique de l’Ouest. Un de ces enjeux, l’accaparement des terres arables, est bien loin de nourrir les débats politiques continuellement personnalisés dont sont friands les Ivoiriens. Pourtant, parmi les causes de la guerre menée par la France en Côte d’Ivoire pour installer Alassane Ouattara à la tête du pays, l’accaparement des terres arables occupe une position centrale. Non seulement ses conséquences risquent d’être plus dommageables qu’une éventuelle dévaluation du franc CFA, mais de façon pratique, si le projet aboutit, il dépossèdera les Ivoiriens du bien le plus précieux qu’ils possédaient jusqu’ici : leur terre. » Jean-David N’Da (penseenoires.info)

C’est une information inquiétante, qui se retrouve dans les pages «Confidentiel» de l’hebdomadaire parisien spécialisé sur l’Afrique Jeune Afrique. «Plusieurs grands groupes agro-industriels étrangers négocient actuellement avec l’Office national de la riziculture. Parmi eux, le français Mimran, qui projette de produire 1 million de tonnes de riz blanc le long du fleuve Bandama, entre Tiassalé et Grand-Lahou (Sud), mais aussi le franco-américain Louis Dreyfus, la suisse Compagnie d’investissements céréaliers, ainsi que les singapouriens Olam,  Export Trading Corporation et Singapore Agritech. Plusieurs centaines de milliers d’hectares sont concernés», écrit le titre. Qui ajoute un détail assez spécial.


«Selon la loi foncière ivoirienne, une société étrangère ne peut se porter acquéreur de terres, seulement bénéficier de baux emphytéotiques». Cela signifie-t-il qu’il faudra changer la loi qui protège le patrimoine foncier rural ivoirien pour que ces projets d’investissements soient activés?

En tout cas, Alassane Ouattara ne fait pas secret de sa volonté de changer la loi sur le foncier rural de 1998, ce qui est d’ailleurs une sérieuse pomme de discorde avec son allié, le PDCI. Par ailleurs, la firme Armajaro, dirigée par le Britannique Anthony Ward et dont le directeur Afrique est Loïc Folloroux, le beau-fils de l’actuel chef de l’Etat, a été  plusieurs fois soupçonnée d’avoir été «informée» des différentes tentatives de déstabilisation de la Côte d’Ivoire, au point de spéculer fort opportunément, est également intéressé par la question. «Anthony Ward […] veut aller à la conquête des terres arables d’Afrique.

En été 2009 déjà, son entreprise a distribué deux millions de dollars aux coopératives et aux paysans du réseau «Production durable certifiée» en collaboration avec GTZ, USAID et Kraft. Après le cacao et le café certifiés, la Holding britannique se tourne vers les produits alimentaires, pariant cette fois sur le boom démographique et l’augmentation de la faim dans le monde», écrivait le périodique économique Les Afriques en juillet 2010.

Selon l’ONG GRAIN, experte mondiale basée en Espagne, « il se passe aujourd’hui quelque chose de plus étrange. En effet, les deux grandes crises mondiales qui ont éclaté en 2008 – la crise alimentaire et plus largement, la crise financière dont fait partie la crise alimentaire – ont ensemble donné naissance à une nouvelle tendance très inquiétante : l’achat de terres pour délocaliser la production alimentaire. [De 2008 à 2009], les investisseurs se sont efforcés de prendre le contrôle des terres agricoles en Asie, en Afrique et en Amérique latine […] Dans la plupart des négociations, des représentants de haut niveau des gouvernements concernés étaient directement impliqués, s’efforçant de mettre en place des arrangements de coopération politique, économique et financière pour enrober les transactions concernant les terres agricoles. Aussi, [depuis juillet 2008, un groupe d’investisseurs] a commencé à acheter des terres agricoles dans les pays du Sud : [il s’agit] des fonds de couverture, des fonds de capital-investissement, des banques d’investissement et autres, dont beaucoup ont leur siège aux États-Unis. Eux ne se soucient pas du tout de sécurité alimentaire : ils se sont rendu compte qu’il y avait de l’argent à faire en investissant dans l’agriculture, car la population mondiale s’accroit, les prix alimentaires vont très probablement rester élevés pendant longtemps et les terres agricoles sont bon marché. En appliquant quelques compétences en technologie et en gestion à ces nouveaux investissements fonciers, ces nouveaux investisseurs diversifient leurs portefeuilles, se protègent contre l’inflation et garantissent leurs retours sur investissement, tirant parti à la fois des récoltes et de la terre elle-même. À ce jour, au moins 40 millions d’hectares ont changé de mains ou sont l’objet de négociations, dont 20 millions rien qu’en Afrique. GRAIN a calculé que plus de 100 milliards de dollars ont été mis sur la table pour garantir ces transactions. Même si de temps en temps les gouvernements y mettent du leur, ce sont principalement des sociétés privées qui signent et appliquent ces accords, de connivence avec des responsables du pays hôte ».

Après le Liberia et la Sierra Leone, La  Cote D’ivoire?

Le spéculateur américain Georges Soros, dont le nom a souvent été cité parmi les soutiens financiers de l’aventure politique de Ouattara, a également « les yeux ouverts».  «Je suis convaincu que la terre va devenir l’un des meilleurs investissements de notre époque. À terme, bien sûr, les prix alimentaires atteindront un niveau tel que le marché sera probablement inondé de denrées, suite au développement de nouvelles terres, ou de nouvelles technologies, ou bien des deux, et le marché haussier disparaîtra. Mais nous n’en sommes pas encore là», disait-il en juin 2009.

De plus, quand on observe les deux pays africains les plus touchés par l’accaparement des terres arables en Afrique noire, on constate que les deux premiers sont le Liberia 67% des terres cultivables aux mains de groupes étrangers, la et la Sierra Leone (15% ).  Ensuite vient  la Guinée 11 %,  l’Éthiopie 10 %, le Gabon 8 % , le Soudan 8 %,  le Malawi 7 %, la Tanzanie 7 %, le Congo 6 %, la RDC 6 %, le Mozambique 6 %, le Sénégal 5 %, le Soudan du Sud 4 % , la Zambie 3 % , le Bénin 3 % , Madagascar 2 %, le Mali 2 %, l’Ouganda 2 % et enfin  le Nigeria 1 %*. Un des grands absents de cette liste ? La Côte d’Ivoire.

Le Liberia et la Sierra Leone comme la Côte d’Ivoire, sont des pays ouest-africains qui ont connu des guerres atroces dont ont profité «les nouveaux prédateurs», au sein desquels la «communauté internationale» a installé ses poulains au terme de scrutins qu’elle contrôlait de bout en bout, et où des opérations de l’ONU se maintiennent longtemps après la fin du conflit armé. Pour protéger les nouveaux nababs de l’agriculture vivrière ayant utilisé la force des Etats pour s’imposer aux autochtones ? La vigilance s’impose.

Source: www.nouveaucourrier.info  -et-  penseenoire.info





No comments:

Post a Comment