Comprendre la crise ivoirienne en 4 points.
Un coup d’État manqué le 19 septembre 2002 s’est transformé en rébellion armée. Et la Côte d’Ivoire connaît une crise politique et militaire depuis ce temps. Les élections présidentielles organisées cette année étaient sensées mettre fin à cette crise, marquée notamment par une partition de fait du pays. Ces élections se sont déroulées le 31 octobre 2010 (1etour) et le 28 novembre 2010 (2è tour) alors que, malgré la signature de nombreux accords, les rebelles encore en armes occupent une partie du territoire (le Nord, le Centre et l’Ouest).Laurent Gbagbo le président sortant parait à la fois aujourd’hui, particulièrement isolé et … particulièrement déterminé, à faire valoir les textes de loi de la Côte d’Ivoire. Mais plusieurs pays et non des moindres disent qu’il doit céder le pouvoir à Monsieur Ouattara seul légitime à leurs yeux, d’après leur lecture de la situation. Et chose étrange, malgré un verrouillage exceptionnel des médias internationaux, les plus grosses manifestations des ivoiriens que chacun a pu voir dans la diaspora ou à l’intérieur du pays ont été des rassemblements d’ivoiriens soutenant …Laurent Gbagbo ! On a également appris aujourd’hui qu’à Abidjan l’appel à la « grève générale » lancé par Alassane Ouattara pour ce lundi 27 décembre n’a pas été suivi. Paradoxal, non ?
Devant ce flou artistique entretenu, L’œil du Patriote a préféré transcender les passions et les élans émotionnels et partisans pour tenter d’extirper les secrets de l’énigme de la crise ivoirienne autour de quatre axes fondamentaux.
I. Le schéma ivoirien de l’organisation des élections en Côte d’Ivoire Le contenu global des accords inter-ivoiriens sur les élections signés depuis 2005 porte sur les points suivants:
1-La réunification du pays passe par la formation d’un gouvernement d’union pour l’organisation des élections générale en vue de la sortie définitive de crise;
2- La réorganisation de la Commission Électorale Indépendante (CEI) doit se faire sur la base des partis signataires des Accords de Marcoussis (80 % des membres sont du RHDP ; mais toute décision doit être prise par consensus au sein de la CEI) et non plus sur la base de « professionnels du droit » et de représentants de la société civile;
3- La CEI conduit l’organisation des élections et elle a 3 jours maximum pour proclamer les résultats provisoires validés par tous ses membres ; (ndlr: C’est nous qui soulignons)
4- Unique juge du contentieux électoral, le Conseil Constitutionnel est seul habilité à proclamer les résultats définitifs après examen des réclamations éventuelles ;
5- Institution chargée de veiller à la constitutionnalité des lois et textes officiels, le Conseil Constitutionnel est seul habilité à recevoir le serment de prise de fonction du Président élu, en séance solennelle ;
6- La certification des élections selon les critères internationaux (transparence, équité, liberté du vote, respect des procédures légales) est confiée au Représentant du SG de l’ONU à l’issue de la proclamation des résultats définitifs. (ndlr : C’est nous qui soulignons toujours)
II. Les faits
1- L’organisation des élections s’est faite dans un pays toujours divisé et sans désarmement significatif des rebelles
2- Au 1er tour:
Laurent Gbagbo de la LMP (38% des voix) et Ouattara Alassane du RDR (32%) sont retenus pour le 2è tour ; la CEI a annulé le scrutin de certaines circonscriptions à cause de violences constatées ; et le Conseil Constitutionnel a rejeté les réclamations du candidat du PDCI, Henri Konan Bédié (25%), parce que formulées hors délais. Deux actes qui n’ont provoqué aucun remous ni en Côte d’Ivoire, ni ailleurs dans le monde.
3- Au 2è tour :
1. Dans 15 des 19 régions, le scrutin s’est déroulé sans grand dommage selon les observateurs ; tous leurs résultats ont été validés par tous les membres de la CEI
2. Dans 4 régions, toutes au Nord et contrôlées par les rebelles, on signale de nombreuses irrégularités : des violences sur les représentants du candidat Gbagbo (des morts, des blessés sauvés par l’ONUCI, des viols), l’expulsion de la plupart de ces représentants, des vols d’urnes, des bourrages d’urnes, des fraudes massives constatées sur 2000 PV de bureau de vote. Gbagbo introduit des réclamations dans le délai ;
3. Les déclarations des observateurs étrangers confirment la plupart de ces réclamations, des observateurs y ayant parfois été frappés (Cf. Observations de l’UE, l’UA, des experts Africains) ….
4. Incapables de se mettre d’accord sur la validation des résultats provisoires de ces régions du Nord, et après le délai légal de 72 heures qui leur est imparti, les membres de la CEI transmettent les données brutes au Conseil Constitutionnel, juge des élections présidentielles
5. Mais, contre toute attente, au siège de son candidat A. Ouattara et hors délais, le Président de la CEI proclame seul des résultats qui, selon lui, donnent Ouattara vainqueur avec 54,1% des voix.
6. Le Conseil Constitutionnel travaille sur les dossiers transmis la veille par la CEI et comme au 1er tour, invalide le scrutin là où les fraudes sont constatées, et proclame publiquement Gbagbo vainqueur avec 51,45 % des voix.
7. M.Choi, représentant du SG de l’ONU, à la surprise générale, donne Ouattara vainqueur sur la base de la déclaration du Président de la CEI. Il outrepasse ainsi son mandat qui est de « certifier (et NON DE PROCLAMER) le résultat DEFINITIF (et non PROVISOIRE) de la CEI »
III. Les fondements de l’élection de M. Laurent Gbagbo
a. Au plan juridique, les institutions de la République et tout le processus électoral prennent base sur les dispositions pertinentes de la Constitution du 1er août 2000 ; celle-ci fait du Conseil Constitutionnel le seul juge des élections, même dans tous les aménagements intervenus sur la base de tous les accords depuis Marcoussis (2003). Le candidat Ouattara le conteste au profit du Président de la CEI et du Représentant du SG de l’ONU
b. Au plan politique, toutes les décisions et tous les accords signés ont concouru à préserver l’État, les institutions de la République, le respect des lois et de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Tout le monde a ainsi salué les efforts accomplis pour aller à des élections présidentielles devant mettre fin à la crise ouverte en septembre 2002
c. Les observateurs nationaux et étrangers (plus de 1500 observateurs) ont attesté toutes les réclamations de Gbagbo sur la non-sincérité du scrutin et les violations de droits du citoyen dans une partie du territoire national ; la distinction entre « observateurs de l’UE » et « observateurs Africains », faite par le Représentant du SG de l’ONU, est scandaleuse et dénonce une certaine partialité de la part de ce fonctionnaire de l’ONU.
d. Le peuple s’est prononcé au 1er et 2è tours de la présidentielle, sous l’empire des lois et des dispositions pertinentes de la Constitution. 51,45% des électeurs ont accordé leur voix à Gbagbo ; mais 48,55% ont fait confiance à Ouattara. Il faut réconcilier les deux camps sur la base du respect du droit et des lois organisant le processus électoral.
e. L’armée (F.D.S.) est loyaliste et reste républicaine ; elle avait même commencé à s’ouvrir aux FAFN pour gagner la paix. La posture rebelle de l’ancien PM G. Soro remet en cause cette ouverture mais pas la loyauté républicaine des FDS.
f. «La souveraineté de la Côte d’Ivoire n’est pas négociable » a déclaré le Président Gbagbo. Les prétentions de certains pays à donner leur onction à l’un des deux candidats en dépit des règles élémentaires du droit et à l’imposer à tout prix sont contraires au droit international et à la Charte de l’ONU. La Côte d’Ivoire, État-membre de l’ONU, refuse ce diktat illégal et illégitime. Elle veut le respect du droit et de ses institutions pour la sortie de crise.
IV. Les paradoxes de la « Communauté internationale »
La crise ivoirienne est en train de mettre en lumière de façon flagrante, un certain nombre de paradoxes au sein de la communauté internationale. Et ces contradictions auront sans nul doute des conséquences durables dans l’histoire du peuple ivoirien et dans celui des pays de la région. Que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir ou pas, les acteurs principaux de cette crise, protagonistes, marionnettes visibles ou tireurs de ficelles invisibles ne manqueront pas de subir les conséquences de ce que l’opinion internationale et particulièrement l’opinion africaine aura perçu ou compris de cette crise aujourd’hui et du rôle qu’aura joué chacun d’eux. L’histoire juge toujours à froid ! Quand toutes les passions et les feux d’artifices des médias s’éteignent.
1. Ainsi, en cas d’embrasement, rien ne saurait justifier que, dans cette partie de l’Afrique où l’on commence pourtant à s’inquiéter de la montée de l’intégrisme, des responsables politiques, fussent-ils à la tête des grandes puissances ou des organismes internationaux, aient pu volontairement créé un nouveau foyer de conflit qui n’aura fait que contribuer à rendre la région plus instable et ingérable. Les cas de la Somalie ou de la République démocratique du Congo devraient pousser à une réflexion profonde chacun des responsables politiques (ivoiriens, africains, européens, américains ou autres) engagés de près ou de loin dans cette crise. En effet, ces deux pays prouvent aujourd’hui à quel point l’instabilité et le chaos politique font de nos jours le lit des réseaux terroristes et maffieux qui en profitent pour étendre leurs tentacules. Le Maghreb et une partie de l’Afrique de l’Ouest sont déjà confrontés aux activités des réseaux terroristes dont ils n’arrivent pas à contenir des assauts. Qui donc aurait aujourd’hui intérêt à aggraver ce danger qui préoccupe plus d’un Etat au monde?
2. Et que dire du sort de ces millions d’Ivoiriens et d’étrangers vivant en Côte d’Ivoire et qui risquent de voir leurs vies basculer, du jour au lendemain dans les affres d’une guerre aussi cruelle qu’injuste. En effet, quel que soit le camp dans lequel on se trouve, celui de Gbagbo ou d’Ouattara, une chose est certaine, chacun des deux candidats réunit derrière lui près de la moitié de la population de la Cote d’Ivoire ! Oublier ou négliger à dessein cette maxime dans la recherche de solution de cette crise serait commettre une erreur historique grave de conséquence. Gbagbo et Ouattara ne sont plus des simples individus ; chacun d’eux incarne l’espérance de 50% de la population de la Cote d’Ivoire! Cette réalité immuable ne devrait-elle pas inciter tous les acteurs de ce conflit à plus de sagesse et plus de retenu dans la recherche d’une solution salutaire pour le peuple ivoirien? Rejeter sans ménagement l’un des deux antagonistes, équivaudrait à dresser une moitié du pays
contre une autre à travers un conflit armé qui embrasera toute la région de la CDEAO au sein de laquelle la Côte d’Ivoire joue incontestablement le rôle du véritable poumon économique.
3. Les passions que provoquent les récentes élections en Côte D’ivoire soulèvent des interrogations. D’autres élections ont en effet eu lieu en Afrique, avec des résultats au moins aussi discutables qu’en Côte-d’Ivoire : en Tunisie, en Égypte, au Burundi, au Rwanda, etc…. Pourquoi la Communauté internationale ne s’est-elle pas investie dans tous ces autres cas avec la même ferveur voire la même véhémence qu’en Côte d’Ivoire? Paul Kagamé ne séquestre-t-il pas actuellement son opposante principale (Victoire) après des élections « remportées » grâce à des scores staliniens? Malgré un rapport de l’ONU de plus de 600 pages qui l’implique directement dans des massacres à grande échelle en RDC, pourquoi n’a-t-on pas entendu la « communauté internationale » parler d’aller le déloger par la force? De nombreuses élections truquées sont régulièrement organisées en Afrique, pourquoi la communauté internationale n’a–t-elle pas prit la noble et courageuse résolution de faire respecter « la volonté du peuple?»
4. Lors des élections biaisées organisées en 2006 en RDC, « Joseph Kabila » avait été jusqu’à bombarder à l’arme lourde son rival en plein centre-ville de Kinshasa alors que celui-ci était en réunion avec plusieurs ambassadeurs représentant la « communauté internationale ». Ses troupes ont ensuite causé la mort de plusieurs centaines de congolais à travers la ville. Aujourd’hui, « Kabila » allonge une liste interminable des victimes parmi les défenseurs des Droits de l’Homme, les religieux, les journalistes, les leaders politiques, il menace la sécurité mondiale avec le trafic de l’uranium. Pourquoi la communauté internationale ne montre-t-elle pas la même détermination pour sanctionner sévèrement ces pratiques barbares d’un autre siècle?
Nous sommes persuadés que l’on devrait dépassionner le débat autour de la crise ivoirienne. Toute passion, toute partialité, tout parti pris ou tout règlement de compte devraient être totalement proscrits du processus de règlement de cette crise. Les puissants médias occidentaux devraient s’abstenir de rééditer l’exploit de 1994 au Rwanda et de 1996 en RDC où ils ont déformé la vérité au service des intérêts partisans des puissants lobbies occidentaux, et au détriment des peuples de la région. La solution à cette crise ivoirienne passe par une mise à plat des faits. Seulement des faits vérifiés et vérifiables.
Cet appel de Gbagbo sur I-Télé mérite de retenir l’attention : « Vouloir occulter les faits et donc la vérité en privilégiant des compromis équivaudrait à de la compromission. Moi, je ne veux pas de compromis, je veux la vérité ». On ne peut sacrifier le peuple ivoirien sur l’autel des procédures électorales. Car la démocratie est faite pour servir au mieux être du peuple ivoirien!
Or, ce n’est surement pas dans le mensonge et la falsification que l’on apaisera le cœur des ivoiriens qui ont voté et attendent de savoir qui finalement des 2 candidats a réellement gagné ces élections.
Or, ce n’est surement pas dans le mensonge et la falsification que l’on apaisera le cœur des ivoiriens qui ont voté et attendent de savoir qui finalement des 2 candidats a réellement gagné ces élections.
L’histoire tragique et récente de l’Afrique nous apprend qu’à chaque fois que la vérité a été dévoyée, elle a toujours fini par resurgir et à s’imposer aux hommes d’une manière ou d’une autre. De l’Afrique du Sud au Rwanda en passant par la RDC, la vérité sur les plus grandes tragédies du continent africain a toujours fini par triompher, mais souvent trop tard pour de millions de victimes! Et les conséquences de ces mises en scènes pèsent encore sur des régions entières de l’Afrique centrale et australe en proie à l’instabilité. Va-t-il en être de même pour l’Afrique occidentale qui a été jusqu’ici un havre de paix et de stabilité pour l’Afrique sub-saharienne ? Les dirigeants africains de la CDEAO devraient y réfléchir.
L’ONUCI a outrepassé son mandat qui était de certifier les résultats définitifs et non pas de proclamer les résultats provisoire de la CEI.
Devant les risques actuels d’embrasement qu’est ce qui empêche le réexamen du processus électoral ivoirien par un comité international indépendant ? Même aux États-Unis lors de l’élection de Bush face à Al Gore la contestation des résultats a entrainé un réexamen partielle des résultats par comptage manuel, pourquoi pas en Côte-d’Ivoire ? Une guerre dans cette région coûtera forcément plus cher qu’une telle option.
L’OEIL DU PATRIOTE RDC
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