Titre: Abidjan_pas_net
Un mensonge éhonté… et inquiétant ! Pour justifier la libération de 17 des prisonniers politiques pris dans ce que Le Nouveau Courrier a appelé le «traquenard» de la Pergola, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Jeannot Ahoussou Kouadio a osé affirmer qu’ils n’ont jamais été privés de liberté.
« Le mot libéré est un petit peu trop fort parce que ces personnes n’ont jamais été incarcérées. Donc je ne suis pas d’accord avec le mot libéré. En fait, de quoi s’agit-il ? Suite à la capture du président Laurent Gbagbo le 11 avril dernier, certains militants du Fpi se sont sentis en insécurité totale dans la ville d’Abidjan. Elles se sont réfugiées au préalable au siège de l’Onuci à l’ex-hôtel Sébroko. Or, à cet endroit précis, il n’y a pas de chambres pour accueillir ces personnes. Donc en accord avec l’Onuci, nous avons décidé de trouver un autre endroit pour ces personnes qui se sentaient en insécurité afin qu’elles s’y réfugient. C’est ainsi qu’on est convenu de réquisitionner l’hôtel Pergola qui avait au préalable servi de base militaire à l’Onuci».
Prendre de telles libertés avec la vérité quand on sait que ces personnes ont été séquestrées et privées de leur téléphone mobile – entre autres abus – est sidérant ! Mais derrière cette faute morale, se cache un vrai malaise. Celui d’un ministre de la Justice dont le gouvernement viole au quotidien, dans la plus grande désinvolture, la Constitution de la Deuxième République. Les propos hallucinants du Garde des Sceaux et du ministre des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques, Gnenema Coulibaly, lors de la conférence de presse d’hier, confirment un fait : le pouvoir d’Alassane Ouattara n’a pas peur de violer au quotidien la Constitution qu’il a pourtant juré, lors de sa prestation de serment, «solennellement et sur l'honneur de respecter et de défendre fidèlement». Revue des articles de la Loi fondamentale sur lesquels le pouvoir actuel s’assoit sans scrupules excessifs.
Article 22
Nul ne peut être arbitrairement détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense.
Comment l'article 22 a été violé: La quasi-totalité des arrestations de nature politique qui ont été menées par le pouvoir actuel ont eu un caractère «arbitraire», c’est-à-dire non encadré par la loi. Les prisonniers politiques ivoiriens n’ont reçu, au moment de leur incarcération, aucune notification de mise en résidence surveillée ou de mise sous écrou. De manière assez curieuse, c’est une fois que des personnes ont été privées de liberté, du droit de communiquer et même du droit de visite (drôle de conception de la résidence surveillée), qu’une enquête préliminaire a été ouverte. Schématiquement, on cherche de quoi peuvent être coupables des personnes après les avoir humiliées, tabassées et (pour certaines) déportées.
Par ailleurs, Alassane Ouattara et son ministre de la Justice ne cessent de marteler qu’un certain nombre de leurs prisonniers sont coupables alors que la procédure judiciaire qui les touche n’en est qu’à ses débuts. La presse pro-Ouattara raconte des scénarios qui tendent à imposer l’idée de la culpabilité de certaines personnes dans la disparition des deux Français, du Béninois et du Malaisien kidnappés à l’hôtel Novotel. Dans l’indifférence de la Justice.
Article 24
La défense de la Nation et de l'intégrité du territoire est un devoir pour tout Ivoirien. Elle est assurée exclusivement par des forces de défense et de sécurité nationales dans les conditions déterminées par la loi.
Comment l'article 24 est violé: Au quotidien, les membres de milices informelles non recensées et non rémunérées par l’État sont dissimulés sous l’appellation Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).Des « comzones » dont le statut républicain n’est pas clarifié, qui ont la particularité d’être quasiment tous originaires d’une seule partie de la Côte d’Ivoire – et qui protègent à ce titre certains Ivoiriens plus que d’autres – se sont partagé la ville d’Abidjan, mettant à l’écart, avec le soutien de l’exécutif, les Forces de défense et de sécurité nationales – police, gendarmerie, armée.
Article 25
Les biens publics sont inviolables. Toute personne est tenue de les respecter et de les protéger.
Comment l'article 25 est violé : Le monde entier a vu, médusé, comment la Résidence officielle du chef de l’État, incendiée par les bombardements de l’ONUCI et de Licorne, a été littéralement pillée par les éléments des FRCI partis de l’hôtel du Golf... et retournés avec leur butin à l’hôtel du Golf. Si cette Résidence n’est pas un «bien public», on se demande si cette notion ne doit pas être revue ! Les riverains de l’Institut national de statistique (INS) ont vu comment ce bien public a été détruit volontairement, ainsi que les données officielles de l’État, comme si le nouveau pouvoir redoutait la mémoire nationale… Les voitures de l’État «privatisées» par les chefs de guerre et les uniformes des «corps habillés» récupérés finissent de brosser un tableau inquiétant.
Article 38
En cas d'événements ou de circonstances graves, notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation. Le Conseil constitutionnel décide, dans les vingt-quatre heures, de l'arrêt ou de la poursuite des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Le Président de la République en informe la Nation par message. Il demeure en fonction.
Comment l'article 38 est violé: Lors de leur hallucinante conférence de presse donnée aujourd’hui, les ministres Jeannot Ahoussou Kouadio et Gnénéma Coulibaly ont remis en cause cet article, qui a justifié le maintien du président Laurent Gbagbo en fonction durant tout le moment où le pays était coupé en deux par la rébellion assumée par le chef de leur gouvernement.
Article 39
Les pouvoirs du Président de la République en exercice expirent à la date de prise de fonction du Président élu, laquelle a lieu dès la prestation de serment.
Comment l'article 39 a été violé : La Constitution ivoirienne ne prévoit en aucun cas de vacance du pouvoir. Si l’on considère que la prestation de serment d’Alassane Ouattara est régulière, on doit bien admettre que Laurent Gbagbo a cessé d’être président le 6 mai dernier. Or Alassane Ouattara a affirmé, lors de sa récente visite en France, lors du sommet de Deauville, devant des journalistes français médusés, que Laurent Gbagbo a cessé d’être président le 4 décembre 2010.
Ce qui est en contradiction flagrante avec l’argumentaire de ses ministres qui, hier, ont affirmé que Gbagbo n’a plus été président depuis le vote de la résolution 1721. Le fait que Laurent Gbagbo ait été président jusqu’au 6 mai dernier invalide toutes les poursuites qui sont lancées contre lui, comme nous l’expliquons plus bas dans cet article.
Article 68
Aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale, sauf le cas de flagrant délit. Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'Assemblée nationale, sauf les cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnations définitives. La détention ou la poursuite d'un député est suspendue si l'Assemblée nationale le requiert.
Comment l'article 68 est violé: De nombreux députés ont été mis aux arrêts après le 11 avril, dont la présidente du groupe parlementaire FPI, Simone Ehivet Gbagbo. Les ministres d’Alassane Ouattara estiment qu’elle n’est plus députée parce que le mandat de l’Assemblée nationale avait expiré. Le problème est que c’est un arrêt du Conseil constitutionnel qui avait prolongé le mandat des députés comme celui des autres élus de la République, suite à l’arrêt du fonctionnement normal des institutions républicaines.
Un autre problème est l’opportunisme institutionnel de l’actuel exécutif. Si le mandat des députés avait expiré depuis près de cinq ans, comment expliquer que le protocole d’État ait placé Mamadou Koulibaly à l’endroit où, selon les procédures de la République, devait siéger le chef du législatif, le 6 mai dernier, lors de la prestation de serment d’Alassane Ouattara ?
Comment justifier que les mairies continuent de fonctionner, alors que leur mandat a expiré lui aussi, à tel point que le RDR se vante de «récupérer» certaines d’entre elles ? Mystère et boule de gomme.
Article 75
Le Président de la République peut, pour l'exécution de son programme, demander à l'Assemblée nationale l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis éventuel du Conseil constitutionnel. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais, deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant l'Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d'habilitation. À l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans leurs dispositions qui sont du domaine législatif.
Comment l'article 75 est violé : Depuis sa prise de pouvoir, Alassane Ouattara prend des «ordonnances» qui ne sont ni autorisées ni ratifiées par l’Assemblée nationale. Elles ne sont encadrées par aucune loi d’habilitation.
Article 85
Les Traités de paix, les Traités ou Accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'État ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi.
Comment l'article 85 est violé : Paul Yao N’Dré, par peur (et on le comprend !), n’a pas osé obliger Alassane Ouattara, dans son arrêt «politique» l’investissant, à faire valider la décision de l’Union africaine faisant de lui le président de la République par le vote d’une loi. Mais le fait que les ministres de Ouattara prétendent que la résolution 1721 a dissout de manière automatique l’Assemblée nationale traduit leur mépris de la Loi fondamentale.
Article 88
Le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois. Il est l'organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics.
Comment l'article 88 est violé: En tant qu’organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics, le Conseil constitutionnel a «réglé» la question de la pérennité du pouvoir législatif jusqu’aux prochaines élections. Mais ADO et ses ministres n’en ont cure.
Article 89
Le Conseil constitutionnel se compose : d'un Président ; des anciens Présidents de la République, sauf renonciation expresse de leur part (...)
Comment l'article 89 est violé: En tant qu’ancien président de la République, Laurent Gbagbo est membre de plein droit du Conseil constitutionnel depuis le 6 mai dernier. Or selon l’article 93 (violé par voie de conséquence), «aucun membre du Conseil constitutionnel ne peut, pendant la durée de son mandat, être poursuivi, arrêté, détenu ou jugé en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation du Conseil.»
Article 109
Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et traduit devant la Haute Cour de Justice qu'en cas de haute trahison.
Comment l'article 109 est violé: Dans leur conférence de presse d’hier, les ministres d’Alassane Ouattara prétendent faire passer Laurent Gbagbo devant une Cour d’assises, et non devant la Haute Cour de Justice.
Les juristes à la manque ivoriens: ça n'a jamais fait d'études de droit, ça n'a jamais suivi des cours d'interprétation et de rédaction de textes de lois mais ça vocifère et étend son inculture, sans honte, sur la place publique.
ReplyDelete