par Alexis Gnagno
Titre: abidjan_pas_net
Mamadou Koulibaly a dit :« Ce n’est pas parce que l’on appartient à un parti que l’on ne peut pas être critique sur ses actions. Dans mes discours, j’assume toujours la part de responsabilité de notre groupe. Certains n’aiment pas la notion de responsabilité alors ils me disent dur. C’est pourtant en étant responsable que l’on peut faire son autocritique et avancer plus efficacement. »
Je suis d'accord avec Mamadou Koulibaly quand il parle de responsabilité et d'autocritique car on ne peut sortir d’un tel traumatisme sans chercher à comprendre ce qui nous y a conduits. Seulement, est-ce le bon moment pour le FPI, le parti au nom duquel il est censé parler ? La priorité ne serait-elle pas plutôt d'insister davantage pour faire libérer tout le monde afin que chacun puisse dire son mot dans cette sorte de catharsis ? Ceux qui sont en détention n’ont-ils pas aussi des choses à dire ? Le FPI peut-il faire son autocrique sans qu’y participent ceux qui l’ont dirigé ces dernières années ?
Mamadou Koulibaly a dit : "Le manque de vision politique, responsable du chaos".
J'aurais plutôt tendance à être d’accord avec Mamadou Koulibaly quand il pointe le manque de vision politique. Cependant, je pense qu’il parle plutôt de la vision politique liée à la gestion de cette crise qui a véritablement commencé avant même la prise de fonction du président Gbagbo avec les affrontements qui auraient fait 300 morts selon Gbagbo lui-même qui avait d’ailleurs, à cause de cela, qualifié de calamiteuses les conditions de son arrivée au pouvoir. Ces violences ont repris le 4 décembre 2000 avec la mort de ce fonctionnaire égorgé à Treichville. Un mois plus tard, elles étaient suivies d’une tentative de coup d’état les 7 et 8 janvier avant que le pays n’arrive finalement à l’exacerbation de cette crise en 2002, et à son pic en 2011 avec au bout la chute du président qui n’a ainsi jamais pu mettre en œuvre le programme qu’il avait vendu aux ivoiriens. Je considère donc qu’il y a un quiproquo à lever à ce propos car la vision politique de Laurent Gbagbo, celle qui a poussé Mamadou Koulibaly et tous les autres à travailler avec lui n’était pas de sortir victorieux d’une guerre mais plutôt de concrétiser pour son pays l’école gratuite, l’assurance maladie universelle et d’autres projets contenus dans son programme de gouvernement publié en 1987, 13 ans avant la guerre qui lui a été imposée à la place de ce qu’il voulait pour la Côte d’Ivoire. Je pense donc que c’est pour cette vision qu’il portait que les ivoiriens l’ont suivi et non pour gagner une guerre. Laurent Gbagbo ne s’était pas préparé toutes ces années (trente ans quand même !) pour arriver au pouvoir et commencer tout de suite à gérer une crise avec une armée ivoirienne pauvrement dotée. Donc critiquer, c’est bien mais point trop n’en faut car ce faisant, Mamadou Koulibaly risque de finir par oublier Alassane Ouattara, l’agresseur permanent.
Mamadou Koulibaly fait cependant preuve dans ses déclarations d’une constance qui doit interpeller les militants de son parti. Avant sa réapparition publique du 20 avril et déjà en pleine crise postélectorale, il avait fait signer par Gisèle Dutheuil, un texte dont il m’avait semblé qu’il était le véritable auteur et qui était intitulé : Le manque de vision politique, responsable du chaos actuel. Je l’avais d’ailleurs écrit dans mon article sur « La stratégie douteuse de Mamadou Koulibaly ». Il ne fait donc finalement que se dévoiler mais je pense que c’est un mauvais procès qui est fait à Gbagbo pour les raisons que j’ai indiquées plus haut. Je me demande aussi, au cas où ces critiques repétées sur le manque de vision ne concerneraient pas seulement la gestion politique de la crise, pourquoi Mamadou Koulibaly s’en est-il accommodé pendant toutes ces années en suivant un homme dont il estime aujourd’hui qu’il ne savait pas où il conduisait le bateau Ivoire ?
Mamadou Koulibaly a dit :« Je regrette qu’à un certain moment, nous nous soyons laissés portés par le vent de l’ivoirité, du tribalisme et de bien d’autres maux encore. »
Mamadou Koulibaly peut-il sincèrement reprocher à Gbagbo d’être tribaliste ou au FPI, le parti dont il est le 3ème vice-président après Affi Nguessan, Simone Gbagbo et Aboudramane Sangaré qui ne sont pas d’une même ethnie et encore moins de l’ethnie de Gbagbo, d’être un parti tribaliste ? Pour être clair , il faut reconnaître que le président Gbagbo a nommé des membres de son ethnie à des postes de responsabilités. D’ailleurs, le contraire alors qu’ils sont des ivoiriens au même titre que les autres, eut été plus qu’injuste. Mais ces nominations ne sont pas le fait marquant du pouvoir de Gbagbo pour être mis en exergue. Et le plus intrigant, c’est que Mamadou Koulibaly pourfend son parti sans état d’âme au moment même où Ouattara est à l’œuvre et mène sans complexe la politique la plus tribaliste qu’ait jamais connue la Côte d’Ivoire. Une politique qui se décline en deux volets dont il a certes dénoncé l’un qui vise à traquer, violer ou tuer des ivoiriens selon des critères ethniques, mais dont il passe sous silence l’autre volet qui consiste manifestement à façonner une Côte d’Ivoire où les principaux leviers du pouvoir sont entre les mains d’une ethnie ou d’une région. Ouattara n’est-il pas là entrain de pratiquer une politique d’ivoirité à l’envers avec le soutien complaisant du père de l’ivoirité version historique ?
Mamadou Koulibaly a dit:« Vous avez écouté Me Vergès quand il est passé ici avec Roland Dumas expliquer à la télévision ce que nous avions offert à la France ces dernières années. Pensez-vous que nous étions, au moment des élections, dans une logique de la guerre de la France contre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo ? Il m’a semblé que nous avions dépassé cette contradiction. »
Ici, c’est comme si koulibaly accusait Gbagbo de collaborationnisme avec une puissance ennemie, la France. Peu lui importe le contexte dans lequel ce dernier a octroyé ces marchés aux entreprises françaises. Il oublie cependant que l’assemblée nationale qu’il préside a dû voter toutes les lois de Marcoussis qu’il avait pourtant quitté avec fracas. «On ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un dîner de gala » disait Gbagbo qui avait tiré les leçons de sa faiblesse en recherchant une solution politique au problème de son pays confronté à plusieurs ennemis, les rebelles, le Burkina Faso , la Cedeao, l’Union Africaine, la France et l’ONU. D’ailleurs, l’attitude actuelle de Koulibaly vis-à-vis de Ouattara ne ressemble-t-elle pas à celle de Gbagbo quand il dit par exemple que «le FPI n’est pas en mesure aujourd’hui de poser des préalables » ? Mais il a peut-être raison même s’il fait aujourd’hui la même chose que Gbagbo, et c’est pour cela que ses militants lui demandent d’être plus ferme avec Ouattara et la France au lieu de leur tresser des lauriers.
No comments:
Post a Comment