Thursday 1 December 2011

Gbagbo à La Haye : les preuves d’un complot international s’accumulent...

Par Théophile Kouamouo

les éléments discréditant la démarche empressée de Louis Moreno-Ocampo, de toute façon sur le départ, foisonnent. Et jettent un peu plus le discrédit sur un homme au service des grandes puissances et non de la justice. Les grandes puissances, France en tête, et leur «correspondant local» en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, ont-ils vraiment l’intention d’ôter à la Cour pénale internationale (CPI) le maigre crédit qui lui restait ? A voir la désinvolture avec laquelle la question du transfèrement du président Laurent Gbagbo à La Haye a été gérée, on a de nombreuses raisons de répondre par l’affirmative. Au lendemain de l’arrivée du fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) à La Haye, revue des différents éléments qui attestent indubitablement du caractère profondément politique, donc extra-juridique, de l’opération.
 
L’ONUCI  a été totalement écartée de la procédure
 
Dimanche dernier, dans l’après-midi. Alors que des informations persistantes présentent comme imminent le transfèrement à La Haye du président Gbagbo, un de ses proches prend attache avec un responsable de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, à un niveau assez élevé. Qui refuse de prendre au sérieux les «rumeurs» au sujet du projet que nourrit le régime Ouattara et ses relais internationaux. Et multiplie les arguments pour expliquer qu’un transfert à La Haye est «impossible» en l’état actuel des choses. Comédie ? Pas du tout. L’ONUCI, dont la Division des droits de l’homme est incontournable au point de vue logistique pour toute instance internationale qui veut enquêter sérieusement sur les graves violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu sur le territoire ivoirien, a été totalement mise de côté pour des raisons mystérieuses par un Louis Moreno-Ocampo qui tenait à sa démarche solitaire et biaisée. Bert Koenders, patron de l’ONUCI, n’a d’ailleurs pas caché cette information troublante. «L’ONUCI n’est pas impliquée dans cette décision», a-t-il affirmé hier, disant sobrement qu’il «prend note du transfèrement». Vous avez dit bizarre…
 
L’enquête invisible… la plus rapide de l’histoire des enquêtes de ce type
 
Le procureur Louis Moreno-Ocampo est-il un surdoué ? En tout cas, sans le concours de l’ONUCI, sans que la majorité des victimes s’étant constituées auprès de la  CPI n’aient vu le moindre magistrat ou auxiliaire de justice officiel, il  a réussi à boucler une enquête par nature extrêmement complexe – puisqu’il s’agit d’établir des faits et d’avoir des preuves sur les chaînes de responsabilités – en moins de…  deux mois, et entre deux rendez-vous avec Alassane Ouattara – le premier à Abidjan, le second dans l’appartement parisien de l’ancien directeur général adjoint du FMI. 
Ce sont ces étrangetés qui ont fait tiquer Christian Chartier, directeur du centre d'observation de la justice internationale et transitoire de l'université de Limoges, et ancien porte-parole du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), donc bon connaisseur de ce type d’environnement. Lors d’une interview accordée à la radio France Inter, il a tancé Ocampo : «Il aurait voulu faire en sorte que l’on  comprenne que la justice internationale peut être instrumentalisée à des fins politiques qu’il n’aurait pas pu mieux faire». Rappelant que le procureur de la CPI a commencé son travail sur le dossier ivoirien seulement le 3 octobre, il a affirmé que «cette enquête est d’une rapidité suspecte», et que le mandat d’arrêt qui en est sorti «est quand même d’un vague extrêmement inquiétant». Si les chefs d’accusation sont faciles à formuler, «encore faudrait-il les étayer», avertit-il. «Dans le mandat d’arrêt, on parle de violences contre des communautés ethniques et religieuses spécifiques sans pour autant les désigner. Il y a quand même des choses troublantes dans cette affaire et que je trouve extrêmement inquiétantes pour la CPI», a-t-il poursuivi. Laquelle CPI «existe depuis dix ans et n’a pas rendu à ce jour un seul jugement ne serait-ce qu’en première instance». Rappelons-le : ce n’est pas là «un extrémiste proche de Gbagbo» qui parle, mais bel et bien un universitaire français renommé, ancien porte-parole du TPIY !
 
Des méthodes d’investigation incroyablement douteuses !

Ocampo n’a donc eu recours ni à la Division des droits de l’homme de l’ONUCI ni à des magistrats convoyés par la CPI. Mais a collaboré avec des ONG dont la plus douteuse est la Coalition pour la CPI, une structure locale dirigée par Ali Ouattara, un bras séculier du RDR. «Nos parents sont morts pour rien», affirment d’ores et déjà certains déplacés de Duékoué. Qui ont parlé aux envoyés de la fameuse association inconnue avant la guerre postélectorale, malgré les intimidations de ceux qui affirmaient que ceux qui viendraient dénoncer Ouattara et les FRCI seraient tués. Bien entendu, aucune protection particulière n’a été accordée aux survivants. Les «enquêteurs» d’Ali Ouattara sont repartis après une virée de quarante-huit heures à Duékoué, et certains déplacés les accusent déjà d’avoir utilisé les images des victimes et des maisons des autochtones détruites. Comment des amateurs de l’investigation judiciaire, affiliés à un parti politique, non assermentés, peuvent-ils donc avoir la haute main sur un travail de cette importance ? Ocampo, qui se prépare à laisser un dossier «pourri» à son successeur après avoir rempli sa mission – livrer Gbagbo – devrait s’expliquer sur ses méthodes de travail, plus que douteuses.
 
Un mandat d’arrêt aux allures grotesques

Bien entendu, nous reviendrons dans nos prochaines éditions sur le mandat d’arrêt lancé par la CPI contre le président Laurent Gbagbo. Il est en effet assez ridicule par endroits. Par exemple quand il lui attribue un patronyme imaginaire : Laurent Koudou Gbagbo. Faut-il rappeler que le nom à l’état-civil de Laurent Gbagbo est… Gbagbo Laurent, tout simplement ? La CPI prétend en plus que le président ivoirien renversé est né à Mama, alors qu’il est né à Babré. Et puis, que vient faire l’ethnie de Laurent Gbagbo dans un mandat d’arrêt ? C’est anecdotique, mais ce sont ces détails qui trahissent les légèretés. De plus, la CPI affabule quand elle affirme «au vu des éléments de preuve, la Chambre conclut qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'au lendemain des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, les forces pro-Gbagbo ont attaqué la population civile à Abidjan et dans l'ouest du pays, à partir du 28 novembre 2010. Elles ont pris pour cible des civils qu'elles pensaient être des partisans d'Alassane Ouattara, et les attaques étaient souvent dirigées contre des communautés ethniques ou religieuses spécifiques». La guerre postélectorale n’a en effet pas commencé de manière automatique le 28 novembre, et c’est bien le camp Ouattara qui l’a préparée et lancée, comme le laissent penser les déclarations affirmant que le commando invisible s’est structuré bien avant le premier tour du scrutin présidentiel et les images où l’on voit les combattants des FRCI encadrés par Guillaume Soro sur ordre de Ouattara, aller armés à l’assaut de la RTI sous le couvert d’une «marche pacifique».

Mais le plus important n’est pas là. C’est en justifiant le transfèrement de Gbagbo à La Haye que la CPI finit de se couvrir de ridicule. «Enfin, la Chambre est convaincue que l'arrestation de Laurent Gbagbo est  nécessaire pour : i) garantir qu'il comparaîtra devant la Cour ; ii) garantir  qu'il n'usera pas de son pouvoir politique ou de ses moyens financiers pour  faire obstacle à l'enquête ou en compromettre le déroulement; et  iii) empêcher la commission d'autres crimes». Comment un homme en prison à Korhogo, sans aucune communication téléphonique, sans visites de ses proches, pouvait-il avoir le pouvoir de nuisance justifiant qu’il soit déplacé dans une prison où il pourra recevoir plus de visites, téléphoner et surfer sur Internet ? En réalité, ceux qui peuvent aujourd’hui user de leur pouvoir pour faire obstacle aux enquêtes, ceux qui peuvent commettre d’autres crimes aujourd’hui sont bien les tenants du pouvoir Ouattara et leurs tueurs, qui continuent d’être en liberté dans des zones meurtries comme l’Ouest de la Côte d’Ivoire ? Mais, bien entendu, il n’y a aucune urgence à les mettre hors d’état de menacer les survivants… Jusqu’où ira l’hypocrisie internationale ?

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