Bureaux de vote, communes entières. Dès lors qu’il est saisi par des Etats majors politique qui ont des preuves que le code électoral n’a pas été respecté, le conseil constitutionnel (CC) français procède à des invalidations. Aucune élection n’a eu lieu en France sans invalidation. Tous les présidents du CC français ont toujours été des proches du chef de l’Etat
Doubles standards moraux et racisme latent. Le Conseil constitutionnel ivoirien – «acquis à la cause de Laurent Gbagbo» – aurait commis un abominable crime en invalidant les résultats des zones où le scrutin ne s’est pas tenu de manière régulière. Il ne doit pas procéder à des corrections et à des invalidations, mais ne peut qu’annuler l’intégralité du scrutin, annoncent des exégètes du droit ivoirien – en réalité, cet argument est la «parade» imaginée par Choi et dévoilée par Jeune Afrique dans son édition du 27 octobre 2010.
Le problème est qu’en France, dont la Côte d’Ivoire a copié quasi-intégralement les textes régissant les élections, le Conseil constitutionnel a pour tradition d’invalider les bureaux de vote ou les zones où le scrutin ne s’est pas tenu selon les normes codifiées par le code électoral. En mai 2007, au moment de l’élection de Nicolas Sarkozy, cela a été le cas. Le Conseil constitutionnel a «corrigé» les résultats transmis par l’administration territoriale, qui organise de manière pratique le scrutin, mais n’en proclame pas les résultats définitifs. «[Dans] le bureau de vote n° 1 de la commune de Sainte-Rose (La Réunion), dans lequel 674 suffrages ont été exprimés, la présentation d'un titre d'identité n'a pas été exigée des électeurs comme le prescrit l'article R. 60 du code électoral dans les communes de plus de 5 000 habitants ; (…) cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; (…) cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin doit entraîner l'annulation de l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau», explique une décision datant du 10 mai 2007. Qui annule aussi les résultats du bureau de vote n°2 de la commune de Poum, en Nouvelle-Calédonie, parce que les électeurs n’ont pas signé la liste d’émargement, rendant «impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin dans ce bureau ; qu'il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages qui y ont été émis».
En 2002, 4897 suffrages ont été invalidés en France en raison de violations du Code électoral bien moins graves que celles auxquelles on a pu assister en Côte d’Ivoire lors de ce second tour. En 1981, le Conseil constitutionnel est allé jusqu’à annuler les résultats de toute une commune, Borgo, en Haute-Corse, parce que «le procès-verbal de la commune de Borgo (Haute-Corse) comporte des indications contradictoires en ce qui concerne le nombre des électeurs portés sur la liste d'émargement comme ayant pris part au vote ; qu'aucun de ces nombres ne correspond avec celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne; qu'une vérification complémentaire, effectuée sur la liste d'émargement, à la demande du Conseil constitutionnel, a fait apparaître un nombre de votants différent de tous ceux indiqués dans le procès- verbal». Cette dernière irrégularité est frappante, parce qu’elle évoque des PV incohérents, tels que les plus de 2 000 PV litigieux des zones du Nord contrôlées par la rébellion. En 1974, ce sont trois communes qui ont été annulées lors du second tour de la présidentielle française : Mondeville, dans le Calvados, Pru no, en Corse, Aragnouët (Hautes-Pyrénées), La Possession (La Réunion).
Jamais, durant toute l’Histoire de la Vè République française, le Conseil constitutionnel ne s’est privé de faire des corrections et des annulations. Ces annulations auraient toutes pu faire changer le nom du vainqueur dans le cadre d’un scrutin serré – tout pouvant se jouer théoriquement à une voix. L’on se rend compte aussi qu’au fil du temps et de l’expérience démocratique et électorale, les réclamations et les annulations diminuent. Curieusement, les territoires éloignés du centre (comme les îles) où règne l’instabilité et le règne de mouvements «rebelles» (comme la Corse) sont souvent les endroits où interviennent des annulations.
Le Conseil constitutionnel français a-t-il des limites en termes de nombre quand il fait des annulations ? Pense-t-il au qu’en dira-t-on ? Non. Il a les yeux rivés sur la Constitution et le Code électoral, ses seules boussoles. Le Conseil constitutionnel français est-il «acquis à la cause» des chefs d’Etat successifs ? En tout cas, son président actuel – Jean- Louis Debré – est une figure de l’UMP, le parti de Nicolas Sarkozy. Il a été président de l’Assemblée nationale et un des «extrémistes» et des «grognards» du chiraquisme. Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel de 1995 à 2000, avait été l’avocat de François Mitterrand et son ministre des Affaires étrangères. Robert Badinter, président du Conseil constitutionnel de 1986 à1995, avait été le ministre de la Justice de François Mitterrand. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil.
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