Thursday, 21 April 2011

Tentative de recolonisation de l’Afrique

Par Freddy Mulumba Kabuayi

Les guerres menées par les armées occidentales en Libye et en Côte d’Ivoire inaugurent une nouvelle forme de recolonisation. L’alibi de la démocratie et de la protection des civils offrent à l’Onu et aux Occidentaux la possibilité de poser déjà les jalons de la reconquête de l’Afrique. Pour deux objectifs précis. Le premier : relance de leurs économies par la prédation des richesses africaines de manière à retrouver une légitimité politique perdue auprès de leurs opinions publiques. Le deuxième : contrôle des ressources naturelles rares face à la montée des puissances émergentes.
Pour comprendre le sens des guerres et conflits entretenus en Afrique par le monde occidental, il est indispensable de s’appuyer sur la thèse défendue dans trois ouvrages. Le premier est rédigé par Samir Amin avec un titre prémonitoire : « Sur la Crise, sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise». Les deux autres ouvrages sont de l’auteur français Jacques Attali, « La crise, et après ? » et « Tous ruinés dans dix ans ? Dette publique : la derrière chance ». Que retenir de ces différentes lectures ?


RELANCE ECONOMIQUE PAR LA GUERRE DE PREDATION

La crise financière et économique de 2008 a frappé de plein fouet le monde occidental. En effet, pour éviter l’effondrement du système financier et une crise économique comme celle de 1929, les gouvernements européens et américains ont financé les banques privées en recourant aux fonds publics. En sauvant les banques et les industries de la faillite, les gouvernements occidentaux ont vu leur endettement monté en flèche, notamment par la mutation de la dette privée en dette publique.
Dans son ouvrage, « Tous ruinés dans dix ans ?», le Français Jacques Attali démontre l’explosion du niveau des dettes publiques de certains pays occidentaux dans les produits nationaux bruts. Très endettés, ces gouvernements ont actuellement du mal à financer les dépenses publiques en recourant aux emprunts ou aux impôts.
Face à cette situation dramatique, ils ont privilégié un scenario de sortie de crise formulé en deux axes. Le premier, c’est la relance économique par la guerre. En effet, le penseur français est remonté dans l’histoire pour démontrer que lors de la crise économique de 1929, où le monde passa très vite de la déflation abyssale des actifs financiers à une profonde dépression économique, la voie de sortie de crise a été tracée au travers de la deuxième Guerre mondiale.
Le deuxième axe de la relance s’est fait par le progrès technique. Jacques Attali conçoit cette longue et trouble période de transition comme une marche vers l’inconnu. C’est celle qui s’est étendue entre 1971 et 1982 et qui s’est terminée en apothéose grâce à un progrès technique révolutionnaire, les microprocesseurs, avec ses trois applications nomades : le téléphone mobile, l’ordinateur portable, l’Internet.
De ces deux options, il paraît qu’avec une Occident en difficulté et surendettée, seule l’issue de la guerre reste la possibilité de relancer l’économie dans le monde occidental.
En effet, les armées occidentales sont à la recherche des richesses pour sauver leurs économies. Dans cette nouvelle course effrénée vers les matières premières, seul le continent africain reste une proie facile à leur portée.
Avec des armées faibles, l’Afrique est incapable depuis cinq siècles de protéger ses richesses. « Si vous avez des richesses et que vous ne savez pas les protéger, n’importe qui peut se servir sans demander votre avis », dit-on. Les guerres qu’entretiennent les armées occidentales sur le continent africain sont révélatrices d’une nouvelle forme de mercantilisme.
À cet égard, les guerres en RDC, en Côte d’Ivoire et en Libye sont des exemples éloquents du repositionnement de l’Occident. La course aux matières premières est lancée. Et l’Afrique est le terrain de prédilection de cette nouvelle bataille.
La RDC continue à en payer le prix. Dans l’ex-colonie belge, les multinationales occidentales ont financé le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi pour piller les richesses minières à l’Est du pays. Malgré les rapports de l’Onu sur le pillage, aucune action n’est envisagée pour interdire et condamner les multinationales occidentales. Les troupes des Nations Unies envoyées en RDC pour sécuriser les populations congolaises sont en train de mettre en place avec les multinationales occidentales la balkanisation du RDC.
En Côte d’Ivoire, la France qui n’a jamais accordé l’indépendance aux Ivoiriens, s’est farouchement opposée à Laurent Gbagbo pour avoir levé la tête contre le pillage des richesses de son pays. L’or, le pétrole, le cacao et le port d’Abidjan sont sous contrôle des hommes d’affaires français aidés aujourd’hui par les troupes de Nations Unies.
En Libye, on a vu les Nations Unies, qui sont censés défendre le droit international, voter une résolution pour accorder à l’Occident d’abord, d’armer les rebelles contre l’État libyen, et ensuite, faire la guerre contre la Libye pour faire main basse sur le pétrole libyen. Au même moment que la guerre contre la Libye est lancée, les gouvernements occidentaux se sont réunis à Londres pour vendre le pétrole en zone sous contrôle de rebelles.
Cette façon d’agir des capitalistes occidentaux n’est pas une nouveauté. L’accumulation par dépossession est permanente dans l’histoire du capitalisme, souligne l’Égyptien Samir Amin.
Depuis la traite négrière jusqu’à la décolonisation en passant par la colonisation de l’Afrique, les Occidentaux ont mené et mènent encore des guerres en Afrique pour piller et relancer leurs économies chaque fois qu’il y a crise économique dans leurs pays.
Cependant, l’histoire récente nous enseigne que le pillage des ressources d’autrui n’est pas la seule façon de s’enrichir. La Chine, l’Inde, l’Allemagne et le Brésil sont devenus des pays riches sans avoir des colonies ou sans faire la guerre contre les nations qui possèdent des richesses naturelles. C’est à travers le commerce et l’acquisition de la science et non la guerre que ces nations se sont enrichies. Pourquoi les pays occidentaux ne suivent pas cette voie? C’est la clé de l’énigme. (À suivre).

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