Monday, 11 July 2011

la diaspora ivoirienne peut-elle impacter le développement économique de la Côte d’Ivoire?

Débat d’idées

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La diaspora ivoirienne peut-elle impacter le développement économique de la Côte d’Ivoire? La question a été posée à quelques observateurs nationaux et internationaux de la scène ivoirienne, qui ont bien voulu nous présenter leur analyses de la question.PENSÉES NOIRES vous propose ici sept (7) de ces réactions, en vous invitant à prolonger le débat.

1)   PATRICK LABA, EXPERT FINANCIER: Bien sûr…

« La diaspora ivoirienne joue un rôle sur le développement de la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. »

A l’échelle mondiale, la diaspora africaine épargne plus de 50 milliards de dollars par an, dont 30 milliards provenant des émigrés originaires d’Afrique subsaharienne (sourcesworldbank.org). La mise en place d’une structure permettant de drainer cette épargne et l’exploiter dans le cadre d’un développement socio-économique, représente une source de financement stable et à coût moindre, comparé aux financements offerts sur les marchés internationaux des capitaux. Les obligations diaspora constituent donc cette alternative de financement, d’autant plus que l’endettement bilatéral  continue de faire débat. Pour la diaspora, ces obligations leur offrent l’opportunité d’aider leur pays d’origine tout en se voyant proposer des fenêtres d’investissement. Le potentiel pour la côte d’ivoire est considérable, car elle dispose d’une diaspora assez vaste et variée géographiquement.


La diaspora ivoirienne joue un rôle sur le développement de la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Cela se manifeste à travers la micro-finance ou la création de petites entreprises, l’investissement dans l’immobilier et les réseaux de distribution et transfert de capitaux émis de l’étranger. Cependant des structures d’investissement et de financement beaucoup plus formelles permettront de dégager des externalités plus directes et conséquentes sur l’économie. Les obligations diaspora sont un des mécanismes qui permettront aux expatriés d’avoir un impact sur le développement socio-économique en permettant aux structures étatiques voir privées de la Côte d’Ivoire d’emprunter leur épargne.

Le patriotisme tant élucidé pendant les crises est une motivation principale. La Grèce à l’heure actuelle et l’Inde dans les années 1990 ont sollicité l’épargne de leurs expatriés en mettant en avant leur affiliation.

Un environnement délétère, au point de vue économique suite à un déficit budgétaire élevé, ou une instabilité politique, entrainent souvent une crise de confiance vis-à-vis des prêteurs et bailleurs de fonds. Cette difficulté à obtenir des sources de financement et parfois se les voir accordées, accompagner de mesures contraignantes, a un impact sur la croissance future de la nation et donc sur son développement. Il est donc nécessaire d’adopter d’autres approches, et le potentiel de la communauté expatriée peut s’avérer substantiel.

En plus d’un impact économique, on peut aussi relever l’effet en chaine que cet engagement peut avoir. En effet, cette offre de financement résulte en une demande en produits d’investissements, qui améliore les termes de qualité de crédit  de la Côte d’Ivoire. Il y aura donc par mimétisme, un intérêt provenant d’autres investisseurs non issus de la diaspora ivoirienne, et donc une possible augmentation de l’offre de capitaux.

Il est également intéressant de souligner, en plus de l’intérêt patriotique de la diaspora, l’aisance dans la gestion de l’investissement dans les deux parties, qui sera libellé en monnaie locale, et donc absence des restrictions réglementaires et de change, au niveau des mouvements de devises.

Cependant, pour que la diaspora ivoirienne joue un rôle défini, dans le cadre de fenêtres de financement avec comme exemple les obligations diaspora, il doit y avoir au niveau étatique un minimum de bonne gouvernance. Le manque de rigueur  dans la  gestion de ces affaires, sera surement négatif pour les obligations diaspora et ses participants.

Par conséquent, une bonne connaissance du véhicule de financement par le gouvernement, une appréciation concrète des capacités et ressources de la diaspora ivoirienne, et une confiance mutuelle excessive entre les politiques et sa diaspora font partie des contraintes principales, dans l’exploitation de ce projet. Une hostilité entre la diaspora et le gouvernement, l’insécurité politique, et des institutions faibles empêcheront sa mise en place effective. A l’inverse, la mise en place de structures appropriées pour une utilisation efficace des ressources, augmentera la confiance de la diaspora, ces efforts de développement étant convertis et utilisés de façon productive.

2) MAURICE KOFFI, ANALYSTE ÉCONOMIQUE: Possible, à condition que…

« On admettra que la diaspora ivoirienne porte en elle les éléments de sa puissance. »

Impacter efficacement le développement économique de la Côte d’Ivoire implique pour la diaspora ivoirienne, de se donner les moyens d’une représentativité fiable sur le terrain en Côte d’Ivoire.  Car mener des actions de nature à impacter positivement la situation économique du pays sous-entend y avoir un pied-à-terre. C’est-à-dire un moyen de suivre rigoureusement les projets initiés. Cette diaspora ivoirienne est demandeuse d’informations utiles pour entreprendre au pays. Pour cela, les représentations consulaires de la République de Côte d’Ivoire à l’étranger ont un rôle important à jouer dans la mise à disposition d’informations utiles pour des investisseurs ivoiriens vivant à l’étranger. Or, manifestement, ce service est dans bien des cas encore défaillant.

Impacter le développement économique signifie aussi être un acteur qui compte dans le développement de politiques économiques en Côte d’Ivoire. Cela implique de développer de l’attractivité pour inciter la diaspora ivoirienne à investir dans son pays d’origine. En effet, les motivations diverses des Ivoiriens qui s’expatrient ont toutes un point commun: la recherche d’un lendemain meilleur en s’expatriant pour des études et accroitre son potentiel, ou travailler pour se constituer un capital important qui permettra un retour plus ou moins confortable chez soi, avec à la clé un emploi bien payé ou une entreprise performante. Le retour est dans tous les cas le désir secret de la majeure partie de cette diaspora.

Cependant, il manque à cette diaspora ivoirienne une prise d’initiative éclairée dans la communion des intelligences pour fédérer ses forces vives. Les ambitions personnelles prennent trop souvent le pas sur les actions communes qui ont fait la force de communautés fortes telles que la communauté juive, chinoise, pakistanaise, malienne et sénégalaise pour ne citer que celles-là. Or l’économie ivoirienne ne sera impactée efficacement que si des projets porteurs sont soutenus par un collectif de personnes aux compétences diverses pour réduire les risques individuels et renforcer l’endurance dans l’effort.

La diaspora ivoirienne regorge de personnalités de poids dans divers secteurs d’activités, et de cadres internationaux compétents qui ont fait leurs preuves dans les plus grandes multinationales. Mais lorsqu’il s’agit de projets de développement, il est question de se définir une vision de long terme, de fédérer des forces vives, et de penser collectif. S’il y a un travail à faire pour que des initiatives privées impactent efficacement l’économie ivoirienne, c’est bien au niveau de l’esprit collectif. Le milieu associatif de la diaspora ivoirienne est un laboratoire grandeur nature pour explorer ce phénomène. Comment se mettre ensemble pour travailler et développer des projets porteurs qui bénéficieront à la collectivité? C’est une question à laquelle la diaspora ivoirienne devra répondre pour arriver à impacter efficacement l’économie ivoirienne.

On admettra donc que la diaspora ivoirienne porte en elle les éléments de sa puissance. Elle peut impacter efficacement l’économie ivoirienne, mais à condition qu’elle s’inspire de l’expérience des autres communautés d’immigrés avec lesquelles elle partage les mêmes terres d’accueil.

2)   BARAKATOU OUATTARA, JURISTE SPECIALISTE DES RESSOURCES HUMAINES: Oui, mais…

«La diaspora ivoirienne peut relever des défis, à condition qu’elle prenne conscience de son importance. »

La diaspora ivoirienne s’est constituée progressivement par les différents ballets migratoires en direction des pays dits industrialisés après l’indépendance du pays.

Animés, par le désir d’avoir une situation meilleure en migrant vers un pays relativement plus prospère ou tout simplement, happer par les grosses firmes étrangères après leurs études outre atlantique, de nombreux ivoiriens ont abandonné les bords de la lagune Ebrié (Abidjan) pour aller à l’aventure.

Cinquante ans après les indépendances des pays africains, à l’heure des bilans, fort est de constater que pour le jeune africain, “l’Eldorado” est toujours de l’autre côté de la mer, d’où les démarches et formalités aussi bien légales qu’illégales introduites çà et là dans les chancelleries étrangères pour échapper au chômage au pays.

Les nombreux Ivoiriens ayant obtenus ces précieux sésames, parfois au prix de mille et un sacrifice, sont aujourd’hui disséminés dans le monde entier avec une préférence particulière d’installation en France, pays colonisateur et aux Etats-Unis d’Amérique. Ces Ivoiriens souvent plus nantis que leurs frères Africains vivants en Europe ou aux Etats-Unis n’arrivent pas à créer la même dynamique que ces derniers dans le retour massif de fonds vers leurs pays d’origine.

Les exemples de réussite dans ces transferts monétaires ou sociaux, proviennent de la diaspora malienne et sénégalaise. En raison de l’importance de l’aide apportée par leurs ressortissants très nombreux résidants à l’extérieur du pays et de leur influence sur l’économie, ces deux pays disposent de ministères ayant en charge les nationaux vivants à l’étranger.

Nous prendrons le cas précis du Mali qui a créé le ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine  en ce sens qu’on estime à 4 millions, le nombre de Maliens établis à l’étranger dont plus de 3,5 millions en Afrique sur lesquelles près de 2 millions vivraient dans la seule Côte d’Ivoire. La diaspora malienne représenterait environ le 1/3 de la population totale du pays.

Ces Maliens de l’extérieur sont réunis dans une structure fédérative de toute la diaspora malienne à l’étranger, qui se nomme le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur (HCME) et selon un communiqué officiel de la Banque Africaine de Développement (BAD), les transferts officiels d’argent de la diaspora malienne de France vers leur pays d’origine atteignent 120 milliards de FCFA (183 millions d’euros) par an, comparables au niveau de l’aide au développement ciblant le Mali.

Ainsi, au regard de l’exemple malien, oui, la diaspora ivoirienne peut relever des défis et impacter sur le développement économique du pays.

Dans un premier temps, à condition qu’elle prenne conscience de son importance, qu’elle s’organise elle-même d’abord en créant le cadre propice pour participer au développement économique du pays, à travers, entre autres, les collectivités locales et deviennent ainsi, de véritables partenaires de la décentralisation par l’appui à la construction d’infrastructures scolaires et socio-sanitaires et par leur engagement dans de nouveaux chantiers que sont les investissements productifs, la création d’emplois, le désenclavement dans le domaine de la téléphonie rurale, les aménagements hydro agricoles, etc.

Dans un deuxième temps, il faut que l’Etat de par son rôle régalien, procède au renforcement des capacités et appui l’implication des Ivoiriens de l’extérieur dans la politique de co-développement en créant un organisme qui devra contribuer à une meilleure efficacité des politiques de coopération avec le pays en travaillant pour un renforcement des partenariats entre les différents opérateurs et acteurs intervenant dans la politique de co-développement et sur l’articulation entre les axes d’intervention : solidarité internationale, coopération décentralisée, création d’entreprise, échanges de jeunes, diasporas scientifiques, techniques et économiques et de mieux valoriser l’apport des ivoiriens de l’extérieur au développement du pays par un meilleur diagnostic des potentialités et des besoins.

Si toutes ces conditions sont réunies nous sommes en mesure d’affirmer que les Ivoiriens de la diaspora sauront tenir la place qui est la leur dans le développement économique du pays.

3)   DANIEL SORY, CONSULTANT EN GESTION DES  ENTREPRISES ET EN ASSURANCES: Oui, si…

« Pour peser vraiment sur la vie économique et politique du pays, cette diaspora doit se structurer au-delà des clivages politiques. »

De prime abord, il n’y a pas de lien entre la diaspora et le développement économique du pays, en l’occurrence la Côte d’Ivoire. Toutefois un lien direct existe du fait des transferts et approvisionnements en liquidités des familles restées au pays, mais cela ne représente pas un volume conséquent pour une économie.

Par contre, je préfère parler plutôt d’économie politique, et là je pense que la diaspora a un rôle à jouer pour le développement du pays. Par sa présence médiatique dans leur pays d’expatriation, elle a un rôle d’information des populations locales sur la réalité économique et politique du pays d’origine, sur les crises vécues et peut ainsi rétablir la vérité quand les grands médias occidentaux tentent de conditionner leurs populations par un matraquage médiatique, comme on a pu le constater lors de la crise postélectorale ivoirienne.

Pour peser vraiment sur la vie économique et politique du pays, cette diaspora doit se structurer au-delà des clivages des partis, et cela elle peut le faire car étant éloignée du pays, elle a une vue plus générale des problèmes. En effet, dans le pays on tourne toujours sur le même modèle basé sur des aides extérieurs, des dons, une fiscalité pénalisant les sociétés.

La diaspora est implantée dans des pays dits “développés” (pour l’instant), et peut donc s’inspirer du mode de fonctionnement de ces Etats; je dis bien s’inspirer (pas copier/coller), pour en extraire la “substantifique moelle”, comme disait Rabelais. Par exemple, ne pas abuser des privatisations à outrance et maintenir l’Etat comme actionnaire majoritaire sur l’énergie, les télécommunications, sur l’exploitation des richesses naturelles, et qu’il garde un pouvoir d’intervention sur les cours des marchés agricoles. S’inspirer c’est aussi tirer les leçons de la crise économique européenne largement induite par les banques d’affaires et donc limiter les pouvoirs d’agir des financiers sur l’économie traditionnelle.

La diaspora pourrait aussi intervenir sur les marchés boursiers de Côte d’Ivoire, en plaçant une partie de leur épargne sur le marché boursier de la BRVM. Encore faudrait-il ici, libéraliser les possibilités d’achat par tout un chacun, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Au niveau technologique la diaspora peut constater dans son pays de résidence les évolutions et en faire profiter son pays d’origine. Par la même, elle peut susciter un intérêt auprès des PME/PMI du pays de résidence qui hésiteraient à s’installer en Côte d’Ivoire.

Maintenant, quelle est la possibilité d’intervention vis-à-vis du pouvoir en Côte d’Ivoire? Quelle est la possibilité de faire pression sur l’establishment local? Quel est le degré d’écoute des autorités ivoiriennes vis vis-à-vis de la diaspora?

C’est pour cela que je parlais de structuration de la diaspora pour pouvoir faire valoir son avis auprès des autorités. La première façon de structurer est le mode associatif avec des répartitions dans les départements, selon la sensibilité. Il n’est pas exclu de faire plusieurs associations, sous réserve qu’elles ne soient pas trop nombreuses, sinon leur efficacité serait moindre. L’intérêt commun étant le bien des populations ivoiriennes quelles que soient leurs appartenances ethniques, religieuses ou régionales.
La justice commence par un travail bien payé à sa juste valeur et dans la satisfaction du devoir accompli impliquant une grande tranquillité d’esprit.

Ivoiriennement vôtre!

4)   LINDA MANOUAN, ARTISTE/RÉALISATRICE EN FILM D’ANIMATION: Possible…

« C’est un grand défi mais tout est possible, il faut vouloir le relever. »

C’est un grand défi mais tout est possible, il faut vouloir le relever. Tout dépend des Ivoiriens sur place et de l’implication que l’on souhaite de la diaspora. Nous vivons dans un monde globalisé dans lequel se tissent des partenariats entre pays, puissances et continents. Il est donc temps que la Côte d’Ivoire tire profit de cette réalité en insérant qualitativement et quantitativement la diaspora dans l’effort de globalisation productive.

Prenons par exemple, un domaine d’activité complètement méconnu en Côte d’Ivoire, le film d’animation, afin de montrer l’impact que celui-ci, pourrait avoir sur le développement économique ivoirien.

Exercée par certains Ivoiriens de la diaspora, cette activité constitue une opportunité professionnelle capable notamment de susciter l’engouement des jeunes qui accèdent au marché du travail. Au Japon, le manga (c’est-à-dire la bande dessinée) et l’animation (le dessin animé) représentent une part importante de l’activité économique. Cette part est évaluée à 520 milliards de yen, soit environ 3 000 milliards de francs CFA, alors que l’animation a elle-seule représente environ 800 milliards de franc CFA, et les produits dérivés 5 milliards de francs CFA (*).

En clair, si intégré au développement local par le truchement de l’implication de la diaspora spécialisée, ce secteur peut constituer un apport non négligeable à l’activité économique de la Côte d’Ivoire.

C’est un effort à long terme, mais il faut initier la population locale qui est réceptive et qui ne demande qu’une chose: pouvoir s’instruire, se divertir et s’insérer dans le tissu économique à travers ce genre de médium. Malheureusement, les acteurs qui peuvent développer ce secteur d’activité très prometteur, n’ont pas la connaissance requise sur le terrain. Il faut donc que les instances dirigeantes de l’économie ivoirienne, s’impliquent localement dans sa valorisation, en faisant appel à la diaspora, qui elle, pourrait alors apporter son expertise et ses différentes possibilités de financements et de partenariats. Il y a quelques années Steve Jobs (fondateur et dirigeant d’Apple), a pris le pari d’investir ses fonds personnels dans le Studio d’Animation Pixar; cinq années plus tard, il rentabilise par milliards de dollars…

Il faut noter également que certaines activités professionnelles telles que l’animation, qui pour l’heure, sont exercées par des spécialistes Ivoiriens vivant à l’étranger, ont un apport plurisectoriel, servant à l’éducation des populations en matière d’hygiène, de santé, d’environnement, d’instruction civique, de discrimination, de droits de l’homme, d’encouragement à la création de PME etc. Vu l’impact de certaines tendances sociales sur les masses, notamment lamusique “coupé-décalé”, dont l’apport éducatif me semble être néfaste, il serait stratégiquement avantageux de valoriser l’impact positif que pourraient avoir des œuvres artistiques profondes, amusantes, instructives et à valeur ajoutée socioéconomique positive sur notre société.

En définitive, la diaspora ivoirienne représente une opportunité pour la Côte d’Ivoire de tirer profit de la globalisation en permettant l’élaboration d’idées et de produits en phase avec le marché international. Ainsi, par ses apports en termes de connaissances techniques et son accès direct aux financements de projets étrangers, la diaspora ivoirienne peut aider la Côte d’Ivoire à être plus compétitive sur le marché international, pour peu que les leaders et décideurs ivoiriennes, évoluent et fassent évoluer avec eux, la mentalité professionnelle citoyenne.

(*) Source: Newsweek Japon n° du 18 juin 2003

5)   EMMANUEL MARTIN, ÉCONOMISTE: Absolument…
« Sans un climat des affaires sain, il est évident que la diaspora ne s’investira pas en Côte d’Ivoire. »

La diaspora ivoirienne a un rôle éminent à jouer pour le redressement de la Côte d’Ivoire, à plusieurs égards. Économiquement elle représente un potentiel d’investissement considérable dans le pays. Cet investissement de la diaspora, parce qu’il est privé, générera des incitations de la part des investisseurs à contrôler effectivement les dépenses, qu’elles soient à rendement de court terme (investissement dans les entreprises) ou à long terme (financement d’écoles, de dispensaires). Les récipiendaires, de par leurs liens de proximité avec les investisseurs, auront une incitation à gérer au mieux les fonds confiés. De même, grâce à leur connaissance du terrain, les membres de la diaspora sont plus à même de choisir des projets d’investissement répondant réellement aux besoins locaux en Côte d’Ivoire.

Ce faisant, cette stratégie pourrait constituer une alternative à la fois crédible, solide et durable aux politiques d’aide internationale publique dont les effets sont souvent contestables. Le défaut majeur de l’aide internationale est en effet qu’elle coupe le lien entre les citoyens et leur dirigeants en terme de gestion responsable des deniers publics (un élément fondamental de l’État de droit). L’aide publique internationale fournit des incitations défavorables à une foule d’acteurs y gravitant autour (bureaucratisation, dépenses somptuaires, corruption), et est fondée sur une présomption de connaissance des besoins locaux de la part d’experts généralement parachutés de Washington, Paris ou Genève. Elle génère enfin une dépendance qui ne dit pas son nom, et qui ne parait pas saine sur le long terme. L’implication de la diaspora pourrait dans une large mesure court-circuiter ces problématiques. Elle démontrerait la force de l’implication de la société civile, permettant de tisser un véritable lien social, crucial en période de post-crise.

Cependant, sans un climat des affaires sain, il est évident que la diaspora ne s’investira pas en Côte d’Ivoire. Le poids économique de la diaspora lui permettrait justement de s’organiser en lobby pour faire pression, à la fois en Côte d’Ivoire et en France (pour que celle-ci fasse pression en Côte d’Ivoire) pour l’établissement d’un climat des affaires favorable à toutes les entreprises, et pas simplement à certains “gros contrats” pour le “big business”, pour que l’administration de l’État ivoirien soit au service des citoyens. La diaspora doit mieux s’organiser pour être présente dans les médias et défendre sa lutte pour le redressement du pays.


6)   JEAN-DAVID K. N’DA, ENTREPRENEUR, COMMUNICATEUR: En l’état, non…

« La diaspora ivoirienne n’existe que de nom; elle n’est capable d’avoir un impact que marginal sur le développement du pays. »

Convenons d’abord de ce que l’on appelle diaspora. Si définir la diaspora ivoirienne revient à lister le nombre d’Ivoiriens vivant en dehors du territoire ivoirien, alors, oui, il existe une diaspora ivoirienne de forme. Mais si la diaspora se définit comme étant une entité communautaire élargie, qui travaille en corrélation directe ou indirecte, de façon concertée, afin d’atteindre un objectif commun, alors je crois que les ressortissants Ivoiriens vivants à l’étranger constitue seulement un ensemble de citoyens que l’on pourrait difficilement regrouper sous le label “diaspora” , sauf par absence d’une sémantique appropriée.

A ce titre, je considère qu’il existe non pas une véritable diaspora ivoirienne, mais plutôt une simple communauté d’Ivoiriens vivant à l’étranger, à savoir un groupe d’individus qui partage une même citoyenneté.

Cela ne constituerait qu’une différenciation mineure si cette communauté n’était pas une des moins homogènes du continent africain. Pléthorique et désorientée, elle évolue en dehors de tout continuum clairement identifiable, sauf pour constituer des groupes ponctuels de divertissements, à valeur ajoutée négligeable.

Or pour qu’une communauté soit capable d’influencer l’essor économique d’un pays (et spécifiquement d’une Côte d’Ivoire abrutie par la récente crise militaire), elle se doit d’avoir un minimum d’organisation qui tienne compte du type d’influence qu’elle pourrait avoir au niveau local. En clair, elle se doit d’intégrer dans son fonctionnement le concept basique de la solidarité citoyenne.
Ce n’est malheureusement pas le cas pour la communauté ivoirienne: le concept même de solidarité est étranger aux Ivoiriens vivant à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, notamment ceux vivant en Europe et en Amérique.

D’ailleurs, les Ivoiriens semblent carrément avoir comme motivation le concept de nuisance à autrui, en lieu et place de celui de solidarité. Et ce fait n’est pas récent. Il prend sa source dans la vision atrophiée que les Ivoiriens ont toujours eue de leur propre “excellence” et du “succès” de leur pays, quand comparé aux autres pays d’Afrique de l’Ouest. Aussi, pendant de longues années, les Ivoiriens ont développé une arrogance supérieure et une condescendance vis-à-vis des autres Africains, qui les a empêchés de développer le minimum empathique requis pour constituer une communauté organisée.

Aujourd’hui, les plus récents chiffres de 2010 parlent de 21 milliards de franc CFA de transferts d’argent de la diaspora africaine vers le continent. Quelle est la part des Ivoiriens? Minime quand comparée aux apports des communautés sénégalaises, maliennes, ghanéennes et autres, qui elles, ayant depuis longuement absorbé le concept de solidarité citoyenne, en ont fait un élan naturel, visible à travers les  organisations solides qui régissent leurs différentes activités en terre étrangère, et qui sont capables d’impacter la vie politique, économique de leurs terre d’origine.

A contrario, les individualités ivoiriennes de l’étranger, notoires pour avoir été parfaitement bruyantes pendant les dernières élections présidentielles, sont aujourd’hui incapables de répondre même à l’appel à la « reconstruction » des nouveaux gouvernants, en se constituant en organisations crédibles et fonctionnelles.

Preuve supplémentaire, si besoin était, que le manque de solidarité susceptible de formater un cadre approprié de valorisation des ressources humaines ivoiriennes vivant à l’étranger, constitue la base de l’échec annoncé de la plupart des projets originaires de la diaspora, qui dans un contexte différent, auraient aidé à donner un souffle nouveau à l’économie ivoirienne.

En clair, en l’état, la diaspora ivoirienne n’existe que de nom. Aussi, elle n’est capable d’avoir un impact que marginal sur le développement du pays, à court terme.

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