Monday 22 August 2011

Inculpation de Laurent Gbagbo pour « crimes économiques » : Le procureur cherche des arguments en vain


Par Gninika Ganiakoué 

Après l’inculpation du Président Laurent Gbagbo, jeudi dernier pour dit-on crime économique, le Procureur de la République, M.Simplice Koffi Koffi se livre à une justification des plus rocambolesque puant le faux.

« C’est exact que le Président de la République, dans l’exercice de ses fonctions n’est justiciable que devant la haute cour de justice, et pour des cas de haute trahison. Ce sont des dispositions constitutionnelles. Mais il se trouve que M. Laurent Gbagbo n’était plus Président de la République au moment de son arrestation. Parce que la même Constitution dit que le pouvoir du Président sortant expire au moment de la prestation de serment Président élu ». L’homme qui parle ainsi se nomme Simplice Koffi Koffi, Procureur de la République. Il l’a dit dans un journal de la place qui lui demandait sa réaction après l’inculpation de Laurent Gbagbo jeudi dernier. Il répondait ainsi à ceux qui à raison pensent que la justice ivoirienne, en l’état actuelle des choses, est incompétente pour juger le Président Laurent Gbagbo. Pour les puristes du droit qui ont lu sa déclaration, cet argument ne tient pas la route dans la mesure où Laurent Gbagbo au moment de son arrestation, reste le Président de la République de Côte d’Ivoire parce qu’il n’a pas encore de successeur. Ce dernier jusqu’à la date du 11 avril n’étant pas encore connu. Parce que n’ayant pas encore prêté serment dans les normes constitutionnelles de ce pays. 

Pour le Procureur de la République, Alassane Ouattara, ayant prêté serment le 4 décembre 2010, est le nouveau Président de la République de Côte d’Ivoire. Or la Constitution à la quelle il fait allusion dit que le nouveau Président prête serment devant le conseil Constitutionnel, réuni en audience solennelle. Ce qui n’a pas été le cas. L’actuel chef de l’Etat ayant prêté son premier serment devant des personnalités de son bord politique, à l’Hôtel du Golf, le quartier général de sa campagne du Présidentielle en l’absence du Conseil constitutionnel. Pour donner du poids à son argumentation, le Procureur fait savoir que Yao N’dré est revenu pour dire que le serment du 4 décembre est valable.

Si tel était le cas, pourquoi Alassane Ouattara se croit-il obligé de revenir pour une deuxième fois devant le même Conseil constitutionnel, réuni cette fois-ci en audience solennelle? Pourquoi a-t-il refusé de gouverner sur la base de ce serment du 4 décembre et chercher à tout prix la caution de l’Institution chargée de la validation de l’élection présidentielle ? Veut-il dire aux Ivoiriens qu’entre le 4 décembre 2010 et le 11 avril 2011, date du coup d’Etat de la France, la Côte d’Ivoire était sans chef de l’Etat, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo se disputant la victoire ? Au-delà de ces questions de bon sens, il faut relever le faux juridique qui entoure les actions du Procureur de la République contre l’ex-chef de l’Etat. Il s’agit de la violation flagrante de la loi du 27 mai 2005 portant statut d’anciens Présidents de la République, d’anciens Présidents d’Institutions nationales et d’anciens ministres. Cette loi stipule en son article 2 qu’ « aucun ancien Président de la République ne peut être poursuivi ou arrêté à raison des faits criminels ou délictueux par lui commis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale. Celle-ci doit réunir à la majorité qualifiée ».Malgré le fait qu’il reconnaisse à Gbagbo son statut d’ancien Président de la République, M.Simplice Koffi Koffi ne veut pas que l’on saisisse l’Assemblée nationale pour lui demander son autorisation. Comment peut-on alors poursuivre l’ancien Président de la République en dehors de ce que dit la loi ?

 Comment le juriste émérite qu’il est M.Simplice Koffi Kofi pourrait-il répondre à cette question si elle lui était posée dans un débat qui n’est pas biaisé ? A la vérité, et c’est ce qu’il cache aux Ivoiriens, Le Procureur de la République n’a pas la qualité de saisir l’Assemblée nationale à laquelle Ouattara vient de couper les vivres. Sur ce point voici ce que dit la loi de 2005 en son article 3. « Lorsqu’un ancien Président de la République est susceptible d’être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle, le Procureur général près la Cour de cassation, avisé des faits par tous moyens, saisit par requête le Bureau de l’Assemblée nationale ».La loi ne donnant pas les prérogatives du Procureur Général à M.Simplice Koffi Koffi, pour lui, il faut tout simplement la contourner. L’ancien chef de l’Etat n’est justiciable que devant la Haute cour de justice comme le souligne le Procureur de la République lui-même. Mais celle-ci, bien que prévue par la Constitution, n’existe pas encore en Côte d’Ivoire. En dehors de cette cour qu’elle est actuellement la juridiction ivoirienne qui a compétence de juger l’ancien Président de la République ? M Simplice Koffi Koffi ne le dit pas. 

Il faut arrêter de mentir au peuple ivoirien. Ensuite, le Procureur de la République invoque l’article 54 de la loi portant statut des anciens Président ou d’Institution sans précision. Voici ce que dit cette loi dont il veut se servir pour la forfaiture juridique. « Les mesures spéciales d’arrestation d’un ancien chef de l’Etat ou d’un Président d’Institution ou d’un ancien membre du gouvernement pour les faits criminels ou délictueux par lui commis pour les poursuites des infractions perpétrées lors de la campagne électorale ou à l’occasion des élections. Les poursuites de ces infractions sont régies par les dispositions du code électoral, du code pénal et du code de procédure pénale ». Si c’est cette loi qui fait jubiler le Procureur de la République, avouons qu’il se fourvoie. Parce qu’au moment où la France opère son coup d’Etat, la campagne présidentielle est terminée et les élections sont le sont également. Cela est d’autant plus que bon nombre d’observateurs ne veut pas que l’on parle de « crise postélectorale » lorsqu’il s’agit de la guerre en Côte d’Ivoire. Parce que cette guerre se déroule 5 mois après l’élection présidentielle et 6 mois après la campagne.

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