Monday 22 August 2011

Les héritiers de la haine


Par Gninika Ganiakoué

Un tabloïd de la place qui a plutôt décidé de commenter comme aucune école ne le recommanderait l’inculpation du président Gbagbo a cru bon d’écrire que celui-ci était déjà condamné. « Gbagbo et Simone condamnés », a-t-il dit, sûr de son fait en souhaitant à l’ancien couple présidentiel tout le venin accumulé au fond de sa gorge. Mauvaise photo de rigueur présentant le couple à leur arrivée à l’hôtel du Golfe où ils ont été malmenés par les vainqueurs par mauvais arbitrage d’un soir, ce bras qui écrit a hérité de la haine et ne peut plus s’empêcher de fouler aux pieds les règles du métier de journaliste. C’est ainsi. Les élèves choyés et protégés par leurs formateurs finissent toujours par devenir des cancres. Le Conseil national de la presse, comme il fallait s’y attendre, n’a pas levé le petit doigt et c’est finalement devant ceux qui savent que leur sourire se fige. C’est comme ça.

Telle est la Côte d’Ivoire dans laquelle on est depuis l’irruption des ouattara boys à la présidence de la République. Ils croient avoir raison sur tout, y compris de rendre leur haine acceptable. Alors, ils légalisent leur vengeance et nous imposent de les applaudir. Ils ne savent même pas que la haine ne s’achète pas et que ce n’est qu’un sentiment que tout le monde peut éprouver. Eux la cultivent certes mais ce n’est pas non plus ce qu’il ya de plus ardu.

D’ailleurs pour justifier la forme prise par l’inculpation, le Procureur de la République de Côte d’Ivoire a dit que le Président Gbagbo n’était plus chef de l’Etat au moment où Alassane Ouattara prêtait serment seul au Golfe malgré des résultats définitifs le donnant perdant. Comment est-ce possible ? Pour n’importe quel poste, c’est après la passation de services qu’on est réellement aux commandes. Aux Etats-Unis, c’est soixante jours après que le président élu prête serment. Avant cela, le président de la République est celui qui est en poste. Chez nous, voilà ce que dit l’article 39 de la constitution de Côte d’Ivoire : « les fonctions du président en exercice expirent à la date de prise de fonction du président élu, laquelle a lieu dès la prestation de serment. Dans les 48 heures de la proclamation définitive des résultats, le président élu prête serment devant le Conseil Constitutionnel réuni en audience solennelle».

Ceci étant clair, pourquoi le Procureur de la République dit-il autre chose ? Sans doute pour faire plaisir à son mandant. La Côte d’Ivoire notre pays a aussi la particularité que les enjeux sont rarement nationaux. Sinon d’ailleurs, on n’en serait pas là à cautionner un individu qui n’a pas gagné les élections mais qui s’est imposé grâce aux hélicoptères de la France et de l’ONU. Une prise de pouvoir particulière à laquelle ses dévoués tentent aujourd’hui de donner un vernis de légalité.

Or cette inculpation relance le débat sur les résultats de l’élection présidentielle d’octobre 2010. Qui de Laurent Gbagbo ou d’Alassane Ouattara l’a remportée ? Le recomptage des voix demandé en vain par Gbagbo qui ne s’est pas accroché au verdict du Conseil Constitutionnel le donnant vainqueur aurait pu apaiser les cœurs. Mais Alassane Ouattara et la communauté dite internationale ne l’ont pas voulu. Des pays comme les Etats-Unis lors de la première élection de Georges Bush et plus récemment la république d’Haïti l’ont expérimenté. Ouattara aurait pu, s’il était sûr de lui, battre Gbagbo devant les yeux et les caméras du monde entier. Son geste aurait pu sauver tout ce qui est aujourd’hui en ruines et qu’il veut coûte que coûte mettre sur le dos de Gbagbo.

No comments:

Post a Comment